Travail nocturne et froufrou [pv Séra]

Doucement, le corps inconscient s'affaissa dans ses bras, tandis que la jeune femme essuyait ses lèvres du coin de la bouche, lançant un regard compatissant à sa victime, celle-ci ayant perdu connaissance. Avec délicatesse, elle prit ses épaules et la déposa doucement contre un mur, appuyant sa tête contre un sac de jute pleins de grains. Nul doute qu'elle serait retrouvée dans les heures qui allaient suivre, ou au pire des cas le lendemain.

" Bonne nuit mademoiselle, et merci pour votre présent."

Nul réponse de la jeune femme endormie, ses cheveux châtains en bataille cachant son visage inerte. Elle n'allait pas avoir de mal à s'en remettre. La rose rabattit son capuchon sur sa tête, tournant les talons et sortant de la ruelle, en empruntant une autre d'un pas prudent. Ce mode de fonctionnement était peut-être sans danger pour le donneur, mais en attendant, elle devait faire plusieurs victimes pour se rassasier. Certes, cela n'arrivait que tous les deux trois mois, mais elle avait toujours peur qu'un envoyé de l'Ordre ne la démasque et ne l'arrête. Horreur suprême pour la fidèle suivante qui n'avait pas envie de tracasser sa si gentille maîtresse et amie.
Allez, plus qu'une petite personne, et elle pourrait rentrer et se coucher.

Empruntant une autre ruelle, la demoiselle repéra alors une ombre mouvante, pressée. A cette heure-ci, le nombre de passants diminuait à vue d'oeil, mais cette mystérieuse personne n'avait pas l'air pressée de s'endormir. Discrètement, Séraphine se rapprocha, discernant un corps visiblement féminin, ainsi qu'un bras manquant. Triste pensée que voilà, mais cela sera plus facile de la tenir tranquille. Il fallait juste que sa victime s'isole dans un lieu moins fréquenté, et l'infante pourrait faire son ultime festin de la soirée.

Repérée, l'infante sursauta, ses joues se mettant à rougir, telle une enfant prise en faute. Mon dieu, elle avait été imprudente, ce n'était pas bon pour elle. Mais dieu soit loué, la femme en face d'elle ne semblait pas se méfier grandement d'elle. Si elle se faisait discrète, elle pourrait s'offrir un petit dessert avant les prochaines semaines d'abstinence. Il n'y avait presque personnes dans le coin, il faisait sombre et la pluie couvrait le bruit des voix.

Doucement, elle s'approcha, esquissant un innocent sourire, telle une passante lambda rentrant à son logis. Sa voix était douce et posée, sans tremblement.

"Bonsoir madame. Il est fort aimable de vous inquiétez pour moi, j'avais juste une course urgente à faire ce soir. Il est vraiment inutile de perdre votre temps pour moi...."

Elle resta en retrait, laissant sa proie se retourner pour continuer son chemin. Elle allait sortir de la rue, elle devait l'attaquer avant. Au fond, ça la désolait, mais elle n'avait pas vraiment le choix. Sa longue queue de cheval découvrait son cou bronzé. Séraphine ne perdit pas de temps. Elle fut en un clin d'oeil près d'elle, et agrippa avec force ses épaules, lançant ses crocs en direction de sa gorge pour lui infliger la morsure dont avait besoin la créature de la nuit.

L'infante savourait bien malgré elle le nectar vital de sa victime, ses crocs immaculés plongés dans sa gorge bronzée. Elle détestait ressentir du plaisir à la mordre, elle détestait apprécier le goût de la vie d'un autre être vivant. C'est comme si, l'espace d'un instant, elle devenait une bête sans éthique ni valeur.

Soudainement, elle se sentit tomber, desserrant sa prise et lâchant le cou de la jeune femme. La demoiselle de compagnie poussa un petit cri de surprise, sentant une poigne forte et ferme se refermer sur sa chevelure d'une couleur si particulière. Elle se retrouva dos à la femme pas si faible que ça, poussant un glapissement de douleur en sentant sa main sur sa gorge pâle.

" Ahh! Je vous en prie ma dame, ayez pitié !"

Au fond, Séraphine n'était ni une assassin de sang-froid ni une bête animée par la soif d'horreur. C'était juste une jeune femme terrifiée, essayant de survivre malgré le sang impie qui coulait dans ses veines. Elle n'en avait certainement pas honte, héritage d'un père qu'elle n'avait jamais connu, mais restait horrifiée par la possibilité que l'Ordre la découvre et ne la tue. Ou même pire à vrai dire... Sentant la main de sa proie devenue agresseuse quitter sa gorge, elle se retourna, fixant le métal de l'arme, les yeux rougies par des larmes naissantes.

Mais au fond, les mots de la paladine la surprenait.

" C'est vrai ? Vous n'allez pas me tuer ! Oh, le Seigneur sois loué, merci ma dame, merci de votre miséricorde ! Je... Toutes mes excuses ma dame, mais vous comprenez, je dois me nourrir... Mais je le fais le moins souvent possible, et je n'ai jamais tué ou blessé mortellement quelqu'un ! Je vous le jure, croyez-moi, par pitié !"

" Je vous le jure madame, vous n'aurez aucun regret !"

l'infante fixa un instant le bras tendu avec une sorte de fascination, son regard parcourant les inscriptions tatouées. Etait-ce du latin ? Des proverbes, des enchantements visant à protéger cette dame des forces obscures ? Rien qui ne pouvait atteindre la métisse, insensible également aux signes religieux. Avec précaution, elle prit son poignet entre ses mains blanches, caressant du bout du pouce l'artère principale.

" Ne vous inquiétez pas madame, je prends toujours les précautions nécessaires.

Avec précaution, elle découvrit ses crocs, et mordit délicatement dans la chair de sa bienfaitrice. Le goût du sang afflua dans sa bouche, étonnamment salé par rapport à la moyenne. La demoiselle prit quelques longues gorgées avant de la lâcher, poussant un petit soupir de contentement. Doucement, elle sortit un mouchoir de soie blanche et s'essuya la bouche. Ah, ça lui rappelait des souvenirs... Elle le fixa un instant avant de le fourrer dans sa manche, se tournant vers Isabella et lui offrant un charmant sourire.

" Je vous dois bien ça madame, je ferai ce que je pourrai pour vous venir en aide. Je me prénomme Séraphine, j'ai vingt-quatre ans et je suis également enchantée de faire la connaissance d'un chasseur doué d'un peu de miséricorde."

Écoutant ses explications, l'infante commença à esquisser une expression de malaise, se mordant la lèvre et sentant la nervosité grimper.

"Je vais faire de mon mieux mais... Je ne vois pas trop en quoi je peux vous être utile !"

Elle se sentait bien inutile, surtout en face de cette femme à la fois si forte, et si assurée, et en même temps si gentille. Ses mots étaient nouveaux pour la jeune métisse, les quelques humains au courant de l'existence de sa race étant plutôt hostile, voir haineux. Il faut dire que Séraphine voyait venir chaque nouveau jour avec appréhension, dans la peur que le protecteur de sa chère Lucrecia ne découvre son secret, et ne fasse d'elle qu'un objet aux mains de l'Ordre. Ses joues rosirent légèrement, tandis qu'elle serrait une mains sur sa poitrine, tête baissée.

"Merci..." souffla-t-elle, émue.

La jeune femme se reprit rapidement, et se précipita à la suite de la brune, clignant des yeux pour s'habituer rapidement à l'obscurité. C'était une très bonne question, surtout que chaque vampire était différent.

"Les maisons abandonnées et les souterrains seraient de bons endroits pour commencer. Une communauté avait installé il y a de cela plusieurs mois leur repaire dans les caves du marché, qui sont toutes reliées entre elles. Elle a été chassée, mais peut être que votre vampire a investi les lieux ?"

Remarquant la lueur dans les yeux de la paladine, elle hocha la tête en signe d'approbation. La bourgeoise ne comptait pas jouer les vaillantes, mais simplement suivre les ordres de la brune et rester en retrait. Après tout, ce n'est pas comme si son statut d'hybride lui conférait instantanément des capacités exceptionnelles au combat, après tout, elle détestait la violence. Utopiste ? Peut-être, en ces temps troublés, il fallait pratiquement à chaque fois résoudre les conflits par la force.

"Je vais faire de mon mieux, je ne vous lâcherai pas d'une semelle !"

Elle attrapa les pans de sa robe pour ne pas se prendre les pieds dedans, descendant avec précautions les escaliers sur les talons de la jeune femme. Même en éclairant avec une torche, les lieux étaient sombres, humides et lugubres. Elle sursautant en sentant un rongeur se faufiler entre ses pieds, poussant des petits bruits avant de disparaitre dans un coin. Soudain, un mouvement brusque attira son attention devant elle. Elle vit la paladine chanceler en arrière, un démon aux yeux luisants l'attaquant avec rage. Elle devait faire quelque chose, vite ! La rose resta un moment les bras ballants, avant de se précipiter et de ramasser la torche, évitant qu'elle ne s'éteigne complètement. "Mon dieu..." pensa-t-elle. Elle vit la combattante se prendre une rouste, le vampire s'approchant dangereusement et agrippant son épaule, crocs dehors. Elle devait agir.

Alors, la jeune demoiselle, se précipita sur lui, et frappa son visage sur le côté avec la torche, le feu crépitant entrant en contact avec la peau du sauvage. Elle entendit un cri sonore, et une odeur peu ragoûtante parvint à ses narines.

" Dame Isabella !" appela-t-elle au secours, morte de peur en voyant la grimace enragée du vampire, celui-ci se précipitant sur elle.