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« lullaby of woe. » | N A O Nao de SaintLouis♕ • Mordue • ♕ Messages : 53 Âge du personnage : ~ 100 ans (elle a arrêté de compter)
Mémoire de vieRace: MorduMétier/Rang: Servante / Garde-du-corpsStatut amoureux: Célibataire | Mer 7 Sep - 11:26 | Nao ÂGE ─ elle a passé la centaine d'années tout récemment ; mais physiquement, elle a conservé ses traits d'adolescente juvénile, si bien qu'on donne lui à peine la vingtaine. ANNIVERSAIRE ─ née le 06 mars. OCCUPATION ─ elle est au service de la famille De Saint Louis, autrefois sous les ordres de Denovan, l'Alpha de la meute, elle est désormais sous les ordres du fils de ce dernier, dont elle est à la fois la protectrice, la nourrice et la femme à-tout-faire. CLASSE SOCIALE ─ c'est une servante, simple fille de paysans. Bien qu'elle porte un nom noble depuis que son jeune maître a tenu à lui donner le sien. RACE ─ à son entrée au service de la famille de lycans, elle fut mordue pour en devenir une également. AVATAR ─ yowane haku • VOCALOID | Profil Psychologique Ce que l'on voit de Nao, c'est une jeune femme au corps frêle et guère impressionnant. Une demoiselle aux traits sages et qu'on devine aussi douce que docile. On voit son uniforme de servante et on devine sa position sociale, basse. Nao est une enfant arrachée aux sillons de terres et à la pauvreté d'une vie de fermière sans éducation. La fillette illettrée qu'elle demeurait alors n'est plus, poussée vers l’apprentissage par une main bienveillante et une soif de connaissance mêlé à une curiosité naturelle. Très tôt, Nao comprit qu'il existait deux sources indiscutables de pouvoir ; l'argent et le savoir. Puisque le premier lui faisait défaut, mais que la possibilité de cultiver le dernier lui était offerte, la louve saisit cette occasion, développant ses connaissances au fil de ses lectures et du temps qui passait sans impact sur son corps figé à la frontière d'une adolescence qu'elle n'a jamais eu l'occasion de quitter, la morsure du Destin la figeant bien avant.
Devenir lycan fut pourtant, sans hésitation à ses yeux, l'une des meilleures choses qui lui soit arrivé. Nao s'est fait à sa nouvelle nature avec une fluide facilité et développa une fierté propre à son rang de prédateur. Enfermée dans ce carcan de chaire et de faiblesse, une louve grondait depuis déjà l'aube de ses jours, attendant de pouvoir hurler à satiété. C'est son maître, le Marquis de SaintLouis, qui affuta ses crocs et ôta les entraves pour transformer l'animal aux pattes hésitantes en une créature lupine féroce et à la dévotion sans pareille. Loyauté est le mot que l'on pourrait user sans jamais se tromper afin de décrire Nao ; sa vie et son cœur est à jamais lié à son maître et son enfant. Elle a notamment pour ce dernier un amour intarissable, ayant juré de protéger de sa vie cet être innocent qui apporta tant de joie en son existence. Doté d'un instinct maternelle aiguisé par la naissance de Mezariel, la louve est autant capable d'une tendresse absolue à son égard qu'elle peut devenir la plus enragé des créatures si quiconque ose poser un doigt sur le précieux enfant. Qu'il soit désormais un jeune homme n'y change rien ; son rôle est de le protéger, peu importe les conséquences pour elle. En dévouement à cette promesse faite à une mère défunte, Nao n'a eu aucun remord à se salir les mains à maintes reprises.
Ordonnée et obéissante, elle fait une servante de choix, capable d'accomplir bien des tâches, qu'elle prit le temps d'apprendre à maîtriser à la perfection les décennies passant. Également excellente combattante, Nao a cette faculté qu'on les meilleurs chiens de garde de tout occulter pour se concentrer sur l'objectif. Cependant, qu'on ne s'y méprenne ; c'est d'une louve Oméga dont il est ici question. Si sa fidélité n'a rien à envier à celle des Bêtas, c'est avec leur cœur et non par soucis de hiérarchie que Noa détermine celui à qui elle voue allégeance. Mais elle n'est pas un mouton qui suivra bêtement les ordres, capable d'acte de rébellion, la solitude de se faire rejeter par la meute ne l'effrayant guère. Ironiquement, Nao pourrait être libre, mais choisit de s'enchaîner aux De SaintLouis d'elle-même en demeurait auprès de Denovan et Mezariel.
Pour autant, la servante idéale n'est pas sans savoir être agaçante parfois. Sa tendance à vouloir respecter les règles peut exaspérer et son impertinence frôle toujours dangereusement la limite de l'irrespect lorsqu'elle s'adresse à d'autres que ses maîtres. Nao possède sa fierté malgré son statut et n'est pas la domestique de qui la revendique comme telle. Sa désapprobation quant aux choix de compagnes du jeune Mezariel est parfois source de conflits, Nao ayant cette habitude de parsemer ses remontrances de piques souvent bien choisies et peut se montrer tout à fait inhospitalière si elle ne veut d'une personne dans sa demeure. La louve est ce cadeau empoisonné, au même titre qu'elle peut devenir votre meilleur confidente et garde-du-corps. Tout dépendra de la manière dont vous vous comporterez avec son maître, puisqu'elle ne jure que par lui, ayant oublié de garder un peu de sa propre vie pour elle-même. | Histoire NUIT I ••• L'amour n'est que fadaises
L'amour n'est rien que mensonge. Ça n'existe pas, ce n'est qu'une illusion dont on se berce lorsque tout va bien, mais qui vole en éclats tel un miroir brisé sitôt les premières difficultés se présentant à nous. Ce fut là, la leçon que j'appris malgré moi de mes parents ce jour. Je n'étais alors qu'une enfant ; jeune et naïve, toujours polie et obéissante comme le voulait mon éducation rude, mais qui avait toujours semblé juste à mes yeux cependant.
Nous n'étions pas riches, comme beaucoup d'ailleurs, et faisions parti de ce que l'on nomme avec mépris “le bas-peuple”. Cependant, jamais je ne m'étais plainte de nos conditions parfois difficiles et cela même si, parfois, il m'arrivait de rêvasser en redressant mon dos meurtri par les travaux des champs, pour regarder les châteaux au loin, imaginant les bals et les banquets qui s'y déroulaient dans le luxe absolu. Sans être heureuse, j'étais satisfaite de mon sort – je savais après tout, jamais ne rien connaître d'autre que cette vie. À moins d'un miracle, ce qui paraissait peu probable, peu importe mes suppliques à Dieu tous les dimanches alors que nous allions à l'église pour la prière commune ; je ne lui demandais pas grand-chose, simplement de mettre un peu plus de pain à notre table et de pièces dans notre bourse, afin que nous puissions tenir les rudes hivers.
Mes parents étaient de simples paysans – mon père Herbert Perce-Neige avait épousé ma mère Clotilde alors qu'elle était encore jeune. Il avait payé une dote modeste à ses parents, avant de l'emmener pour qu'ils reprennent l'affaire familiale ensemble. C'est dans cette ferme modeste, à la toiture fuyante les jours de pluie et aux chambres froides lorsque la neige vient nous recouvrir durant la nuit, que ma fratrie et moi-même vîmes le jour.
Je grandis plus ou moins proche de mes deux sœurs aînées. Claudine fut mariée avant mes treize printemps à un fils d'agriculteurs voisins, si bien qu'elle quitta la ferme relativement tôt. Quant à Garance, elle aidait ma mère aux tâches domestiques, mais suivrait probablement sous peu le même chemin – je savais pour les avoir surprit un jour au détour des étables, que le fils du laitier venait parfois soulever sa jupe pour la faire glousser, bien cachés qu'ils étaient dans le grenier à foin.
Ne restait donc que mon frère Justin et moi-même. J'étais source de quelques inquiétudes et déceptions pour ma famille, je ne l'ignorais pas. Aucun garçon ne semblait manifester d'intérêt pour moi, bien que je frôlais dangereusement mes dix-sept ans désormais. Sans doute ceux du voisinage se trouvaient-ils rebutés par mes yeux couleur lie de vin qui en faisaient frémir plus d'un. Ce n'était point une couleur commune et elle était surtout bien trop associée aux créatures du Diable, tel les vampires que l'on croisait dans les contes, pour être acceptée.
De plus, bien que je faisais de mon mieux à la ferme, je n'avais aucun talent particulier – faire la lessive et faucher les blés étaient des tâches communes. Je n'avais ni la voix douce de Garance, son sourire cristallin et ses hanches généreuses prêtes à mettre des jumeau au monde s'il le fallait. Ni le donc de Claudine pour le marchandage si bien que lors des marchés, elle revenait toujours avec ses étales vides et sa bourse pleine.
Ma consolation quant à l'ombre qu'exerçait en silence mes sœurs sur moi résidait en notre cadet – Justin. Âgé de seulement sept ans, il était un rayon de soleil à mon existence. Mes parents étaient très fiers de lui, car un garçon signifiait un héritier pour reprendre l'affaire familiale et la possibilité d'une bonne épouse pour lui. En ce titre, Justin était traité comme un prince par toute la famille ; mais j'avais le privilège d'être sa sœur favorite.
Plus proche de lui en âge, j'étais toujours apte à céder au moindre de ses caprices et lui servir de partenaire de jeu entre deux tâches ménagères, sans pour autant le laisser dépasser les bornes lorsqu'il se sentait l'âme d'un chef dictant ses règles de manière capricieuse. J'aime à croire que si Justin n'est pas devenu un enfant trop gâté, c'est grâce à moi. Mon frère est à jamais resté un être doux et aimant, toujours prêt à mettre la main à la pâte. Il était mon adoré.
Un soir, après que j’use coucher Justin et lui ai raconté son histoire favorite pour l'endormir – celle concernant un grand loup-garou féroce qui aurait dit-on, voyagé en toutes contrées et même jusque dans les déserts égyptiens, jusqu'à rassembler à ses côtés une meute de mille loups – mes parents souhaitèrent s'entretenir d'une chose à mon sujet. C'était inhabituel de leur part et je le compris en voyant leurs airs doucereux, comme s'ils se voulaient plus doux pour me faire avaler une mauvaise nouvelle.
« Nao, tu aimes ton frère, tes sœurs et nous-même n'est-ce pas ? » « Bien sûr Père, je vous aime plus que tout et je serai prête à n'importe quoi pour vous, vous le savez. » répondis-je sans hésitation, malgré l'angoisse qui commençait à tordre mon estomac. Ma mère hocha la tête d'approbation. « Bien, très bien. Vois-tu ma fille, les précédentes années furent difficiles tu l'as d'ailleurs constaté. Ton père fut contraint de contracter des dettes envers les seigneurs voisins. Cependant, ce n'est pas seulement de l'or que nous avons promis en retour pour ce qu'ils nous dédommagèrent... » « Nao. Demain soir, à la même heure, tu seras devenue la propriété des De SaintLouis. » trancha mon père pour couper court au discours de ma génitrice.
La nouvelle tomba comme un couperet sur le fil de mon destin. J'avais beau être fille et petite-fille de paysans, je n'étais point stupide, bien qu'ignorante de bien des choses de la vie encore à cet âge. Mais j'avais au moins comprit ce qui se trâmait concernant mon sort. Vendue. Mes parents m'avaient vendu dans le simple but d'alléger leurs dettes.
J'étais... partagée. La part encore enfantine de moi se demandait, avec un détachement qui m'effrayait presque, comment ma propre chaire pouvait m'échanger contre quelques pièces à des inconnus. Mais une autre, plus rationnelle, songeait à ce que ma ‘vente’ signifiait. Justin et Garance pourraient manger à leur faim pur le restant de l'année. On pourra enfin payer les médicaments pour la toux grasse de mon frère qui persistait. Garance aura peut-être même droit à une nouvelle robe s'il restait assez d'argent. La survie de ma fratrie importait plus à mes yeux que mon propre sort ; j'avais prié Dieu et il m'avait répondu. Certes, le tribut à payer était lourd, mais après tout on obtient rien sans rien.
Ce mantra en tête, j'acceptais donc.
Ce soir là, je ne dormis pas. Partageant ma couche avec mon frère, faute de place – et puis cela nous permettait de nous réchauffer mutuellement – je passais la nuit à le regarder en sachant que c'était probablement la dernière fois. Cette pensée que je ne pourrais voir mon cher et tendre cadet grandir me tira les larmes. Ce fut la sensation des gouttes d'eau glissant de mon menton jusque sur sa joue, qui le tira de son sommeil paisible et je me mordis les lèvres.
« Nao ? Grande sœur, tu pleures... tu es tristes ? » « N-Non. Juste un mauvais rêve, rendors-toi petit prince des champs. » chuchotais-je en lui caressant ses cheveux couleur des blés. Il était si beau. Mon précieux, précieux petit frère que j'aimais plus que ma propre vie qui, de toutes manières, ne valait pas bien cher. À peine de quoi racheter une dette.
« T'as qu'à te mettre tout contre moi, comme ça je chasserai tes cauchemars Grande sœur ! » m'offrit Justin avant de se rendormir, ses petits poings d'enfant serrés sur ma robe de nuit mal cousue. Dans un dernier sourire étranglé, je me recouchais tout contre lui, sa respiration berçant mes pensées et apaisant les saignements de mon cœur.
La journée du lendemain fut étrange, à la fois interminable et qui me sembla pourtant passer comme un éclair. Je fis une longue promenade, laissant mes doigts traînants caresser les herbes et mon regard parcourir les champs que j'avais connu toute mon enfance durant. Lorsque fu venu plus tard l'heure du coucher, je serra dans mes bras Garance, à son léger étonnement – je réalisais alors, que je ne lui avais pas autant démontrer mon affection par le passé que je l'aurais voulu, retenue par la jalousie muette qui me rapetissais face à ses charmes. Je passais également un long moment avec Justin, le couvrant de bisous et d'étreinte chatouilleuses pour faire résonner son rire à mes oreilles et me gorger de sa présence.
Lorsque la maisonnée fut plongée dans les ténèbres et que je me sentais moi-même tanguer entre les mains tentantes de Morphée, ma mère vint me secouer par l'épaule, m'intimant de me lever sans bruit et de me vêtir. Obéissante, je repoussais les couvertures et revêtit la robe blanche, simple et que je ne portais d'ordinaire que pour aller à l'église le dimanche. Emballer mes affaires fut rapide, dans la mesure ou je ne fus autorisée à ne rien prendre, à l'exception de ma cape longue.
J'eus tout de même le temps d'attraper l'éclat de pierre de Lune que Justin avait un jour dérobé à un marchant ambulant. Je l'avais sévèrement grondé en découvrant son méfait, mais me calmais sitôt qu'il m'avoua, confus et entre deux pleurs, que c'était pour me l'offrir. Un câlin et la pierre passée sur une cordelette fine pour en faire un pendentif plus tard, et ma colère était envolée. Ce collier demeurait mon bien le plus précieux et je le cachais promptement sous le haut de ma robe, de crainte que mes parents le voient et ne veulent me le confisquer.
Prête, je passais sur ma tête le capuchon de mon manteau pour me protéger du vent glacial et grimpais dans la carriole aux côtés de mes parents, résignée à être conduite là où mon Destin voulait me voir finir.
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Il était si grand, si imposant, me surplombant de sa haute stature et me fixant de ses yeux froid – pourtant, il me semblait distinguer une certaine douceur au fond de ces prunelles ensorcelantes. Je ne croisais cependant que brièvement son regard, incapable de le soutenir plus de quelques secondes.
Mes parents s'étaient déjà inclinés devant le maître des lieux, Sieur Castiel de SaintLouis. Seigneur nous octroyant le droit de cultiver ses terres en échange d'un pourcentage de nos récoltes annuelles, que je n'avais encore jamais vu, même de loin. Pourtant, malgré sa présence, celui qui avait aussitôt attiré mon attention était l'un de ses fils et héritiers, qui se tenait à ses côtes. J'étais si hypnotisée par leur beauté à tous et plus encore, par la prestance de ce dernier, que ma mère dû m'attraper par le bras et me tirer violemment pour me rappeler à mes devoirs et me faire m'incliner, si bas que mon front touchait presque terre.
Je déglutissais avec difficulté, dans la crainte de la suite des évènements. Ainsi donc, c'était à eux désormais que ma vie appartenait. Durant le trajet, trop bref à mon goût, mes parents m'avaient donné quelques ordres et conseils pour ma nouvelle tâche. « Tu es vierge, c'est ce qui augmente quelque peu ta valeur. Sois docile et donne-toi à tes maîtres. Comble tous leurs désirs et ne te plains jamais, tu m'entends Nao ? » et moi de hocher la tête, soumise telle une chienne à la laisse trop courte.
Mon père me présenta au chef de la famille, bredouillant en redoublant de termes élogieux lorsqu'il s'adressait à lui. Le pouvoir que la richesse octroyait à un homme me semblait terrifiant, quand je voyais mon fier paysan de paternel se courber si docilement devant son seigneur et maître. Ce dernier m'accorda à peine un regard. Derrière lui, ses deux autres fils échangeaient des coups de coude se voulant discrets et se pourléchaient presque les lèvres en me regardant, me faisant frissonner d'effroi. Seul l'aîné, qui avait attiré mon regard, se tenait silencieux. Moi ? Je demeurais tête basse, me concentrant de mon mieux pour maîtriser mes tremblements.
Soudain, alors qu'autour de moi on se demandait qui hériterait de l’enfant chétive que j'étais, ne sachant s'il valait mieux me reléguer aux cuisines ou m'attribuer des tâches plus... charnelles, il parla :
« Je la prends. Je manque de serviteurs, elle fera l'affaire. » Sa voix caverneuse me fit sursauter et je redressais la tête par instinct, croisant son regard. Il hocha le menton et ce simple geste atténua quelque peu mes peurs. Son père grommela, avant de faire un geste évasif de la main. « Si cela t'amuse donc, Denovan. Fais comme il te plait, du moment qu'elle n'est pas un poids. »
Denovan. Je répétais en silence le nom dans mon esprit pour m'y accoutumer. Le nom de mon désormais maître donc. Alors que les présents se dispersaient maintenant que l'affaire était entendue, ce dernier me fit signe de le suivre. Me redressant, je voulus me tourner pour jeter un dernier regard à mes parents. Je constatais alors qu'ils étaient déjà partis, sans même m'adresser un mot. Un grand vide m'envahit tandis que je réalisais que, si nos seigneurs avaient été une meute de loups nous encerclant, mes parents m'auraient sans doute sacrifier sans une once d'hésitation pour assurer leur fuite, au détriment de ma survie.
Ce fut le cœur lourd que je suivis mon obligeant jusqu'à ses appartements. J'étais soufflée par la richesse des lieux et l'immensité de la demeure. Maître Denovan me conduisit jusqu'à sa chambre... qui me paraissait à elle seule, plus spacieuse que notre ferme toute entière. Alors qu'il fermait la porte et semblait arranger certaines choses sans plus se préoccuper de moi, me tournant même le dos, je serrais mes poings sur les plis de ma robe. Je devais le faire... la chose ne semblait pas si horrible après tout. Mes sœurs paraissaient y prendre du plaisir, du moins le déduisais-je des détails qu'elles acceptaient parfois de me livrer en gloussant de moquerie lorsque je rougissais, prude enfant que j'étais.
Sur une dernière pensée d'excuse pour Justin, que je ne reverrais plus j'en étais persuadée, je prenais mon courage à deux mains et saisissait la lanière de la ma cape. Mes vêtements tombèrent tour à tour sur le sol, me laissant nue au milieu de cette pièce hostile à mon regard apeuré. Maître Denovan se retourna alors. Sa réaction alors qu'il relevait les yeux vers moi, ne fut pas celle escompter.
« Bien, à nous deux – Who ! Je, hum. Je peux savoir ce que tu fais au juste ? » « Je me prépare simplement à satisfaire vos désirs, Maître. Comme il est de mon devoir. » « Mes désirs ? Mais qu'est-ce que tu... oh c'est pas vrai ! » Et sur un soupir, il s'approcha et attrapa un grand drap traînant sur le lit à baldaquin – première fois de ma vie que j'en voyais un – pour m'en couvrir les épaules, m'enroulant dedans afin de cacher mon corps. « Hu – Maître, est-ce que je... je ne suis pas à votre convenance ? Je suis désolé si... je sais que mes yeux peuvent déranger, à moins que ce ne soit mes hanches ? »
Il me lança un regard interdit et je me sentis rougir de honte. Comme si j'avais échoué à un test dont je ne connaissais ni la nature, ni les enjeux. Même à cela, j'étais donc bonne à rien.
« Quoi ? Mais non, voyons. Cela n'a rien à voir, mais enfin Nao, tu n'es pas là pour jouer les filles de joie, certainement pas. » « Mais – Mes parents m'ont dit que... »
Ses yeux se durcirent férocement alors qu'une lueur de compréhension les traversait. Je ravalais ma salive, mais ne fis pourtant aucun pas effrayé en arrière. Etrangement, je sentais que de toutes les personnes présentes en ce manoir, c'était le seul dont je n'avais rien à craindre. De sa voix se voulant rassurante, alors qu'il me soulevait comme une plume et me posait sur le lit, il me demanda :
« Que t'on dit tes parents ? Explique-moi. »
Je lui rapportais alors tout de la conversation qui avait eu lieu entre ma famille et moi-même durant le trajet en calèche. À la fin, les poings de Maître Denovan étaient si serrés que ses phalanges en étaient devenues blanches et il se redressa, faisant quelques pas rageur avant de se raviser et de faire volte-face vers moi.
« Ces imbéciles... dire des choses pareilles à leur propre fille, tss. Nao. Tu n'as rien à craindre, je ne te toucherais point. Tes parents ont parlé sans savoir. » « Je – Je vois... »
Je ne pu camoufler mon soulagement à cette nouvelle. Il fut ensuite question d'aller dormir et Maître Denovan me conduisit jusqu'à ce qu'il nommait une chambre “certes petite, mais néanmoins fonctionnelle”. Pour moi, qui n'avais connu jusqu'alors que les lits de paille et les draps irritants, cette chambre était un palace. Me laissant là en promettant qu'il m’achèterait des vêtements dès demain, Maître Denovan rejoignit ses propres quartiers.
J'avais l'impression de vire un rêve, sans savoir si c'était un cauchemar ou un conte de fée. Restée seule, je ne pus cependant trouver le sommeil, incapable de m'endormir sur le lit trop moelleux et luxueux à mes yeux. Les pensées m'assaillaient et lorsque j'en venais à songer à ma famille, les larmes me montèrent aux yeux. Justin me manquait terriblement, je n'avais pas l'habitude dormir seule.
C'est hésitante que je me relevais, et sortais sur la pointe des pieds de la chambre, me souvenant du trajet pour rejoindre celle de mon maître. La porte n'était pas fermée à clé, il m'avait dit de venir le trouver au moindre soucis. J'entrais donc, le découvrant allonger sur sa couche, probablement endormi. Il me donna tord, après quelques minutes que je passais à danser d'un pied sur l'autre, hésitante.
« Tu es bruyante. Que veux-tu ? » « Pardonnez-moi Maître ! » m'exclamais-je, confuse. Je triturais mes doigts entre eux, tête basse. « Je... je n'arrive pas à dormir. Je m'étais dis que peut-être, vous auriez l'amabilité de m'indiquer comment rejoindre les écuries ? » « Par tous les diables, que veux-tu y faire à cette heure-ci ? » demanda-t-il en se redressant, frottant l'arrière de sa tête. « Et bien, je serais plus à mon aise et à ma place je pense, si je dormais sur un tas de foin auprès des chevaux... »
Mon aveu me laissa rouge et je manquais de glapir en distinguant l'éclat d'incrédulité totale sur le visage de Denovan. Finalement, il se laissa tomber de nouveau sur le matelas, riant un peu.
« Celle-là, on me l'avait jamais faite. Allez, viens ici. » ajouta-t-il en ouvrant les couvertures, désignant la place vacante à ses côtés. « Je – Je vous demande pardon ? » « Il est hors de question que je te laisse dormir aux écuries. Mais si c'est de la compagnie que tu recherches, tu n'as qu'à rester ici. J'espère simplement ne pas t'écraser par mégarde en me retournant, tu es si menue, s'en est surprenant. »
C'est ainsi que je passais ma première nuit au château des De SaintLouis, blottit auprès de mon maître, son odeur entêtante partout sur les draps et autour de moi. Une nuit pour le moins insolite.
NUIT II ••• L'homme est un loup pour l'homme
« Nao. Il est temps que tu découvres la vérité. Si tu dois être à mon service, tel est d'ailleurs mon désir, il y a cependant une chose que tu dois savoir. À propos de moi, de la famille De SaintLouis et de ce monde. »
Ce fut durant une nuit d'octobre que mon maître me fit convoquer dans son bureau, tardivement. Cela faisait quelques jours seulement que j'étais entrée à son service – je commençais doucement à repérer les lieux et notamment les endroits que je préférais éviter, comme les appartements de Sieur Castiel. Je restais beaucoup auprès de Maître Denovan, qui m'avait lui-même intimé de ne pas déambuler seule pour le moment.
Intriguée par ses propos, je me contentais d'hocher la tête. Rester au service de Maître Denovan me convenait parfaitement ; de toutes manières, mes parents n’auraient probablement pas voulu de moi si j'étais revenue. Et malgré que mon frère et mes sœurs manquaient, Maître Denovan était bon avec moi. Cette nuit passée à ses côtés m'avait donné l'impression qu'un lien s'était créé entre nous et je ne pouvais penser à son dos large, couvert de cicatrices qui m'avaient tant intrigué, sans sentir mes joues me chauffer. Lui n’avait pas semblé plus affecté que cela – en même temps, bel homme qu'il était, il devait être habitué à avoir une femme dans son lit, et certainement pour bien d'autres raisons que rassurer l'agneau égaré que j'étais.
Je rougis furieusement en voyant mon maître ôter soudainement ses vêtements. Que – il m'avait pourtant assuré que ce n'était pour ces raisons qu'il me gardait, aurait-il changé d'avis ? Après tout, il restait un homme et malgré les insistances de son père, il ne semblait décidé à trouver épouse pour le moment, préférant s'amuser.
« M – Maître qu'est-ce que vous faites ?! » m'exclamais-je en me retournant, le visage caché dans mes mains.
Il y eut un silence, uniquement perturbé par les froissements des habits tombant au sol. Soudain, sa voix – curieusement bien plus caverneuse qu'à l'ordinaire je trouvais.
« Nao. Retourne-toi. »
C'était un ordre et ma condition m'imposait d'obéir, qu'importe les conditions. Mais alors que je faisais volte-face, les mains tremblantes et les yeux grand ouverts, le spectacle qui m'attendait était tout autre que ce que j'imaginais. Un loup, immense, presque aussi grand qu'un cheval, me faisait face. Il avait un pelage tel qu'on l'aurait di fait d'or, sublime. Si magnifique que j'en demeurais bouche-bée, oubliant même d'avoir peur. Il se tenait à la place de Maître Denovan et à ses pattes se trouvaient les habits de ce dernier.
J'avais entendu des histoires, comme toutes les petites filles qu'on voulait effrayer pour les envoyer au lit sans qu'elles ne fassent de caprices. Des histoires d'homme devenant des loups depuis un pacte avec le Diable, que je racontais moi-même à Justin il y a encore peu. Des loups-garous. Et je compris que je venais d’être, sans le savoir, précipitée dans la tanière d'une meute de ces démons qu'on disait assoiffés de sang et qui rôdaient à la recherche de chaire tendre de demoiselles vierges et d'enfants innocents.
Mais la créature que j'avais devant les yeux demeurait mon maître. Celui qui m'avait accueillit dans sa couche pour chasser mes cauchemars et qui avait eu pitié de l'enfant faible et apeurée que j'étais le jour ou mes parents me vendirent au De SaintLouis. Aussi, bien qu'un peu tremblante, j'avançais la main. Le loup vint effleurer ma paume de son museau et je poussais ma témérité jusqu'à passer mes doigts dans la fourrure douce et épaisse de son cou. Un grondement me semblant approbateur monta depuis sa gorge. Soudain, il parla.
« Tu n'as pas peur ? » « Si, » répondis-je avec honnêteté. « Mais vous ne me ferrez pas de mal Maître. Je le sais. Vous êtes bon. » ce qui me sembla être un rire résonna d'entre les crocs lupins. « Celle-là non plus, on ne me l'avait jamais faite. Laisse moi donc te raconter, Nao. L'histoire de cette famille. »
Durant l'heure qui suivit, j'eu le droit à un cours bref, mais détaillé, sur les lycans. Ainsi, les De SaintLouis était une famille de Sangs-purs. Leurs domestiques étaient tous des Mordus, des loups transformés par leurs soins. Et Maître Denovan était bien plus vieux de ce que j'en avais compris, que ce que son apparence laissait suggérer. Digérer ces informations fut quelque peu rude, mais je fis de mon mieux pour enregistrer en mon esprit toutes ces données. Vint alors une autre question, alors que mon maître était assis, toujours en loup, face à moi.
« Ici, il n'y a aucun humain. Tu comprends ce que cela signifie ? Tu n'es bien évidemment, pas obligé d'accepter et peut prendre ton temps pour réfléchir. Être une Mordue changerait tout pour toi. » « Non. Il n'y a pas à réfléchir, Maître. Je suis ici pour vous servir et payer la dette de mes parents, c'est ce que je ferai. Peu importe ce que je cela implique. Et puis, » ajoutais-je avec un léger sourire, me demandant d'ou me venait cette assurance quant à l'idée d'abandonner ma condition de femme humaine. « j'ai confiance en vous. »
décidant d'aller au bout de ma confiance tant qu'elle était présente, de peur de me défiler plus tard si je réfléchissais trop je découvrais mon épaule et rejetais mes cheveux en arrière, dévoilant ma nuque. Maître Denovan hocha la tête et s'approcha, faisant luire ses crocs à la lueur des chandelles. L'instant suivant, ces derniers s'enfoncèrent en moi, répandant la magie du poison de ma transformation. Je retenais un cri, me mordant les lèvres si fort que je sentis bientôt un goût de fer dans ma bouche. Puis, il n'y eu plus que la douleur.
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Dans un gémissement, je me retournais sur le dos et passais ma langue sur mes lèvres asséchées. J'avais mal partout, mon corps tout entier me faisait atrocement souffrir, en proie à des courbatures lancinantes. Je n'avais aucune idée de combien de temps exactement j'avais dormi – quoique le terme 'évanouissement' était probablement plus approprié. La transformation avait-elle réussie ? Impossible d'en être certaine pour le moment. J'ignorais de plus comment j'étais supposée me transformer.
Je redressais la tête, me rendant compte alors seulement que je ne me trouvais pas dans ma chambre ; j'étais couchée dans le lit de Maître Denovan. Ce dernier se trouvait d'ailleurs allongé à mes côtes – une scène qui commençait à devenir récurrente, mais peu approprié à mon sens entre un noble et sa servante. Je le devinais éveillé, sorti de son repos bref par mes remous sur le matelas. Effectivement, sa voix résonna quelques instants après à mes oreilles.
« Comment te sens-tu ? » « Je ne suis pas sûre... combien de temps ai-je dormi ? » demandais-je en remerciant Dieu pour la pénombre de la pièce, qui masquait ainsi mes rougeurs aux yeux de mon maître – ce qui en réalité était inutile, réalisais-je l'instant d'après. Les loups avaient après tout une excellente vision nocturne. « Environ trois jours. » Se redressant, il se pencha sur moi, m'examinant brièvement tout en hochant la tête. Je retenais un hoquet de surprise. Si longtemps ? « Maître, je suis désolé, vous avez dû veiller sur moi et – » Il m'interrompit d'une simple main levée. « Du calme Nao. J'aurais dû me souvenir que c'était si douloureux pour un Mordu. D'autant que tu es encore une enfant... D'ailleurs, à ce sujet, » l'Alpha se frotta l'arrière du crâne, semblant chercher ses mots, ce qui était inhabituel chez lui.
Je clignais des yeux, curieuse. Sans un mot, il m'amena finalement un miroir à main, me le tendant. Intriguée, je le portais à mon visage et cette fois, ne put retenir mon exclamation de surprise. Mes cheveux, autrefois d'un châtain clair, tirant sur le blond des blés les jours de grand soleil, n'étaient plus. À la place, mes mèches avaient blanchi, transformant ma chevelure en une étendue neigeuse, qui faisait ressortir de manière plus inquiétante encore le carmin de mes pupilles. Je les touchais avec hésitation, n'osant trop y croire. Maître Denovan semblait extrêmement gêné à ce sujet.
« Il arrive parfois que la morsure ait des effets imprévus sur le physique. C'est rare, mais – enfin il semblerait que dans ton cas, la douleur et la transformation aient dépigmenté tes cheveux. Mes excuses. » « Ce... ce n'est pas votre faute Maître ! » m'exclamais-je. « Ce n'est pas important de toutes manières, je suis certaine de m'y faire rapidement. »
Il m'octroya un sourire en coin, me rassurant et faisant battre mon cœur plus fort. Maître Denovan me donna des médicaments apparemment préparés à mon intention par le médecin de famille pour soulager mes muscles nouvellement modifiés par ma condition de désormais non-humaine. J'allais me reposer encore un peu et demain, il serait alors temps de constater à quoi je pouvais bien ressembler sous mon apparence de louve. Je voulus retourner dans ma chambre, mais Maître Denovan me repoussa contre le matelas.
« Décidément, tu es une drôle toi. Je préfère te savoir ici en cas de problèmes, je n'ai pas passé trois jours à te veiller pour te voir filer alors que tu ne tiens pas mieux sur tes pattes qu'un louveteau à peine sevré. »
Mes protestations, faibles il faut le reconnaître, furent endiguées alors qu'il se retournait sur le matelas. Je passais donc la nuit aux côtés de Maître Denovan, passant celle-ci à observer les cicatrices couvrant son dos, chuchotant des questions du bout des lèvres tandis qu'il me contait leurs histoires dans des grognements. J'avais le sentiment d'être en sécurité, d'être presque heureuse.
Au matin, nous quittâmes le château pour nous enfoncer dans le sous-bois. Là aurait lieu, pour les jours à venir, mon entraînement quotidien à ma nouvelle condition. Il me fallait apprendre à revêtir mon apparence de louve, développer mes muscles et mon endurance –
Maître Denovan était aussi novice dans l'enseignement que je l'étais en tant que louve. Cependant, ses explications étaient claires à mes oreilles, et après quelques essais et avec beaucoup de concentration, la transformation s'opéra. L'instant suivant, j'étais humaine sur deux jambes et soudain, me voici louve, maladroitement campée sur mes quatre pattes. J'étais plus petite que l'Alpha et mon pelage n'avait sa dorure, mais arborait une parure de poils gris. La sensation était – déroutante. Mais inégalable. Mes oreilles s'agitaient sur le sommet de mon crâne, captant le moindre son alentour, jusqu'au grattement de la terre d'une souris derrière le bosquet voisin. Mon nez cherchait le vent et les innombrables odeurs qu'il apportait avec lui. Je croisais le regard de Maître Denovan. Il semblait amusé de me voir si euphorique de ma nouvelle condition. Pour lui c'était sa véritable nature, c'était inné. Moi, je découvrais tout et j'avais comme l'impression de renaître.
« Marche donc un peu pour voir. » m'intima mon Alpha tout en revêtant à son tour l'apparence lupine.
Mes premiers pas furent catastrophiques et la sensation de posséder une queue était assez surprenante, mais j'apprenais vite d'après Maître Denovan et je gagnais peu à peu en assurance à force de pratique. Je progressais.
« Tu tiens sur tes pattes. Très bien. Maintenant, attrape-moi. » « Que – Maître ce n'est pas du jeu ! Maître, attendez ! »
∆∆∆
Les semaines se transformèrent finalement en un premier mois, puis un second. Mes entraînements en compagnie de Maitre Denovan se faisaient moins réguliers, tant parce que ce dernier était prit par ses obligations que parce que j'en savais assez pour me débrouiller par moi-même. Je prenais mes marques au château, accomplissant mes tâches de mon mieux. Je commençais à connaître certains résidents également, même si j'évitais toujours les autres membres de la famille De Saint Louis comme je le pouvais. Ainsi que la servante de Sieur Castiel, une louve répondant au nom d'Aliénor, qui m'hérissait les poils de la nuque à chaque fois que je croisais sa route dans les couloirs.
Je n'étais point malheureuse dans cette propriété gigantesque. Maître Denovan était bon avec moi et m'apprenait beaucoup de choses. J'étais heureuse d'être à son service et être devenue une louve était probablement la meilleure chose qui me soit jamais arrivé. Cependant, ma famille me manquait. Tout du moins mes sœurs et tout particulièrement mon jeune frère Justin. Je me languissais de leurs rires et leurs bavardages. Mais les revoir m'était impossible, je le savais. Cela me serrait le cœur douloureusement, mais je n'y pouvais rien.
Un soir, alors que je me rendais jusqu'à la chambre de Maître Denovan pour simplement lui souhaiter bonne nuit et m'assurer qu'il n'avait besoin de rien, j'entendis des bruits étranges et des gloussements féminins venir d'à travers sa porte. J'aurais mieux fait de réfléchir avant d'ouvrir la porte, car aussitôt que je poussais un peu j'apercevais dans l'ouverture la silhouette d'une femme nue, installée à califourchon sur mon maître. Rouge de honte, je refermais précipitamment la porte, comprenant que j'avais failli le déranger alors qu'il se trouvait en charnelle compagnie – mon cœur se serra légèrement, mais je n'y accordais nulle attention.
C'est alors que je faisais marche doucement jusqu'à ma chambre, qu'on m'attrapa soudain par le bras, me prenant par surprise. Je me retrouvais nez-à-nez avec plusieurs autres serviteurs du château, que j'avais plus ou moins appris à connaître.
« Eh, la nouvelle. Viens avec nous, on a obtenu une petite mission plutôt sympathique et on veut t'en faire profiter, ça te détendra. »
Un travail ? Je n'obéissais en temps normal qu'à Maître Denovan, mais – et bien, puisqu'il n'avait besoin de moi et que les De Saint Louis restaient mes maîtres, je ne pouvais refuser. C'était la première tâche d'ailleurs qui impliquait que je sorte du château et des jardins, je ne cachais que cette perspective m'attirait. Les seules occasions que j'avais de sortir était mes entraînements dans la forêt, qui demeurait toutefois une partie du domaine de la famille noble.
Nous étions une petite bande de loups, chacun sous notre forme animale. Je suivais les autres, d'abord avec une certaine satisfaction de me voir acceptée par mes pairs. Mais bien vite, mon sentiment se mua en une angoisse qui me prenait à la gorge. Je reconnaissais le village qui commençait à se distinguer au loin. C'était le mien.
Les loups contournèrent les habitations, m’exhortant de les suivre, ce que je faisais à reculons, ne comprenant pourquoi nous venions jusqu'ici. Ils s'arrêtèrent devant un corps de ferme que je ne connaissais que trop bien, pour y avoir grandit.
« Que – qu'est-ce que nous faisons au juste ici ? En quoi consiste la 'mission' ? » demandais-je en langage lupin, relevant le museau vers un mâle au pelage brun. Ce dernier avait un éclat indescriptible dans les yeux, semblant jouir de la situation. « Simple. On est venu tuer les humains qui habitent ici. C'est ainsi que Maître Castiel traite ceux qui croient pouvoir gentiment s'endetter sur sa charité. »
J'en restais interdite, mon cerveau refusant de comprendre. Un cri me fit revenir sur terre. Je tournais lentement la tête, mon flair captant un parfum que je connaissais bien. Ma mère était là. Sa gorge broyée par les crocs impitoyables d'une louve au gris plus sombre que mon pelage. Elle rendit son dernier soupir, les yeux ouverts dans une terreur incrédule.
« Mère... » m'entendis-je murmurer, abasourdie par ce spectacle sanglant.
Tout se passa trop vite. Je regardais les autres loups, mes camarades, ôter de leurs mâchoires mortelles la vie à ceux qui m'avaient donné naissance. J'étais comme vide, incapable de réagir, de faire quoique ce soit alors que je les voyais prendre un plaisir à cette tâche qui me donnait la nausée. Je réagis brusquement en voyant le loup brun, se tenir au-dessus du corps de ma sœur, qui respirait faiblement, prêt à l'achever. Mon sang ne fit qu'un tour et je me jetais sur lui, le bousculant et grognant pour le défier d'achever son geste. Je me plaçais en un geste protecteur par-dessus ma sœur, sa respiration sifflante me tuant intérieurement.
« Oh, doucement la nouvelle ! » « Laisse-la donc, Jonathan. Elle veut sa part pour s'amuser aussi. » fit une louve en trottinant vers nous, le sang de mon père encore frais sur son museau. Elle se tourna vers moi. « On est tous passé par cette étape, ça fait un tel bien ! Nous rentrons au château devant, jouit à ton aise de ce moment ! »
Ils partirent d'un seul mouvement, ricanant encore entre eux. Des monstres – c'était des abominations. Ils avaient tué leurs propres familles, sans sourciller ? J'étais incapable d'une telle chose. Mes parents m'avaient peut-être vendus, mais jamais je n'avais un seul instant souhaité leur mort. Et maintenant, ils étaient –
Une toux secoua Claudine et je baissais le museau vers elle, cherchant ses blessures. Elle avait été mordue à la gorge, pas assez fort pour que cela lui brise les cervicales heureusement. Mais ma joie fut avortée avant même de naître ; sa blessure demeurait grave. Elle se vidait de son sang lentement, c'était insoignable. Ma sœur allait mourir. Je gémis tel un animal blessé, tête basse. Je n'avais rien fait. Parfaitement inutile, je les avais laissé tuer ma famille sans un mot.
« Que – Que tu es belle, louve. Tu as ses yeux... » murmura ma sœur, faiblement. Je m'approchais jusqu'à toucher sa joue du museau. Elle ne m'avait reconnue, évidemment. J'étais méconnaissable sous cette forme. Sa main se leva, caressant la base de mon oreille. Elle pleurait. « Je suis désolé... Nao, j'aurais voulu... Oh, ma sœur si tu étais là... » Ses paroles délirantes d'une mourante m'arrachaient le cœur. Sa main retomba et un sourire ensanglantée prit place sur ses lèvres. « Louve s'il te plait... Mon frère... Ne le mange pas... J'ai confiance, tu ne le feras pas, alors... »
Ma sœur n'acheva jamais sa phrase, fermant les yeux pour ne plus les rouvrir. Cette fois, je ne pu me retenir. Renversant la tête vers le ciel, je poussais un long hurlement, contant ma peine et ma douleur à la lune et aux étoiles. Je restais un moment interminable auprès de son cœur, à la pleurer. Ce n'est que lorsque ma gorge me fit mal que je cessais de hurler. Je me souvenais alors des paroles de Claudine. Notre frère, Justin. Je me relevais d'un bond, cherchant son corps des yeux parmi le massacre, mais je ne trouvais rien. Se pouvait-il que... ?
De mon pas silencieux, je m'approchais de la maison, poussant la porte de la tête pour entre à l'intérieur. J'humais l'air alors que je parcourais les pièces vides, chargées de souvenir. Un bruit, presque imperceptible, me fit dresser l'oreille. Cela venait de notre ancienne chambre. Je m'approchais de l'armoire et l'ouvrait du bout du museau. Ma joie fut indescriptible alors que je découvrais le corps recroquevillé et tremblant de mon petit frère, apeuré et sanglotant, mais bien vivant.
« Me mange pas s'il te plait » supplia-t-il d'une petite voix. Je su que je prenais un risque énorme, mais je devais le faire. Je ne pouvais pas le laisser. Alors, sous les yeux ébahit de Justin, je me retransformais. Ma nudité importait peu sur le moment. « Nao... » murmura-t-il, avant d'éclater en sanglots et de se jeter dans mes bras. « Oh Nao, c'est toi ! » « Justin, pardonne-moi, je t'en pris pardonne-moi. » soufflais-je, pleurant à demi également. Je le serrais contre mon cœur, remerciant les dieux de l'avoir protégé de la fureur des loups en ce jour. Ma peine se trouvait quelque peu allégée de savoir qu'il avait échappé à ce massacre.
Je demeurais un long moment à serrer mon frère contre moi, caressant ses cheveux et le berçant contre mon sein. Lorsqu'enfin, ses larmes furent séchées et ses tremblements calmés, je lui expliquais. Tout.
Je lui racontais comment j'étais partie pour travailler chez les De SaintLouis – il n'avait pas besoin de savoir que nos parents m'avaient échangé contre une poignée de pièces, causant ainsi la perte de notre famille. Je lui parlais de Maître Denovan, lui expliquant qu'il était bon avec moi et surtout, du secret lupin de la famille et comment à mon tour, j'étais devenue une créature reniée de Dieu. Ma gorge se serra alors que j'en arrivais à la partie ou les autres serviteurs venaient ici pour accomplirent leurs méfaits et les mots se bloquaient dans ma gorge.
Une fois mon récit achevé, je me demandais que faire désormais. Je devrais bientôt rentrer au château, malgré que l'idée me répugnait. Mais si je fuyais mes responsabilités, ils viendraient me trouver et probablement m'achever. Et si ma survie ou ma mort m'importait peu désormais, je risquais de les mettre sur la piste de Justin. Hors, je ne laisserai personne toucher un seul de ses cheveux. Je devais repartir, mais avant tout il me fallait conduire mon frère dans un endroit sûr, loin des cadavres des nôtres.
Je me relevais. « Viens Justin. Je sais ou t'emmener. Garance, notre sœur, elle prendra soin de toi. Tu y seras en sécurité. » « Mais et toi ? Tu ne viens pas avec moi ? » me demandait l'enfant innocent, les yeux encore rouges d'avoir tant pleuré. Je secouais la tête avec tristesse. « C'est impossible. Je te mettrais en danger si je faisais cela. Ne sois pas triste mon cœur, je viendrais te visiter dès que l'occasion nous sera présenté. Cependant, Justin. Tout ce que je t'ai révélé ce soir, tout ce que tu as vu, cela doit rester secret. C'est très important d'accord ? »
Il promit. Sous ses yeux entre l'émerveillement et la crainte encore fraîche, je revêtis ma peau de louve à nouveau. Je ne savais encore parler le langage humain sous ses formes – maître Denovan disait que cela prendrait un certain temps et de la pratique pour habituer mes cordes vocales à de telles précisions. Cependant, d'un coup de museau et après une léchouille rassurante sur sa joue, je fis comprendre à Justin de monter sur mon dos. Il était léger comme une plume ; ses petites mains enfouies dans ma fourrure alors qu'il se couchait tout contre moi.
D'un pas lent, solennel, je passais devant les cadavres de nos parents et de Claudine. Mon frère se cacha les yeux contre mon cou, ne voulant regarder. Lorsque la ferme fut derrière nous, je m'autorisais à respirer de nouveau, ayant bloqué mes inspirations pour percevoir le moins possible leur odeur si frappante.
Cela nous prit une heure pour rejoindre un des villages voisins ou résidait notre sœur aînée Garance et son époux. Ils possédaient une ferme modeste, mais je savais qu'ils ne manquaient de rien. Je m'arrêtais lorsque la demeure fut en vue. Justin comprit que je n'irais plus loin et se laissa glisser le long de mon dos. Il resta un instant blottit contre moi et je pressais ma lourde tête contre son corps, pareille à une étreinte.
« Je t'aime Nao. Reviens vite s'il te plait. » souffla-t-il, la voix éraillée, avant de se détacher.
Il me jeta plusieurs regards alors qu'il faisais son chemin vers la ferme. Je restais à le suivre des yeux également, pouvant voir ainsi Garance, alertée par les aboiements d'un chien, sortir de la maison, une bougie à la main. Je me détendis en la voyant courir précipitamment jusque notre frère, les deux se tombant dans les bras. J'attendis que son mari sorte à son tour pour les conduire tous deux à l'intérieur, Justin toujours fermement serré contre la poitrine de Garance, pour me relever et faire demi-tour. Il serait bien ici et j'étais heureuse de constater que ma sœur allait bien, plus que cela d'ailleurs au vu de son ventre arrondi par une grossesse déjà avancée.
Je rentrais au château au beau milieu de la nuit, les pattes terreuses et ensanglantées d'avoir creusées des tombes pour mes parents et Claudine. Je les avais enterré ensemble, derrière notre ferme. Je n'avais osé réciter une prière, n'ayant plus ce droit depuis que j'étais une Mordue. Je découvrais Maître Denovan, m'attendant à l'entrée même de la bâtisse, un drap entre ses mains. Il n'eut pas besoin de mots, je su aussitôt qu'il avait comprit. Certainement les autres serviteurs avaient craché le morceau.
Je me retransformais devant lui, sans rien dire. Il me drapa du linge qu'il tenait, avant de m'attirer dans une étreinte un peu brute et maladroite. La surprise me tétanisa et m'empêcha de protester, aussi je me laissais aller à sa chaleur. Un premier sanglot m'échappa.
« Je sais. Je sais, Nao. » souffla simplement mon maître. Pareille à une enfant, je pleurais un moment contre son torse, avant de le laisser me reconduire à l'intérieur et me coucher dans son lit, lieu ou je semblais systématiquement atterrir dès lors que mon cœur flanchait.
Ses draps portaient encore l'odeur de la femme qui avait partagé sa couche précédemment. Pareil à un rappel qu'aussi fort je pouvais désirer cet homme et me damner pour lui, jamais je n'aurais droit à prétendre voir mes sentiments retournés.
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| Questionnaire QUE PENSEZ-VOUS DES VAMPIRES ─ N'ayant eu guère plus que cela l'occasion de côtoyer cette race, autrement que pour des affrontements impromptus, je nourris quelques méfiances à leur égard. Mais même parmi les lycans, des monstres au cœur plus sombre encore se terrent. L'appartenance à une race ne détermine pas si le cœur de l'être sera bon ou mauvais, aussi je peux concevoir que des vampires plus pacifiques prolifèrent également.
QUEL EST VOTRE POINT DE VUE A PROPOS DES INFANTS ET DES SANG-MÊLES MAUDITS? ─ Quel autre point de vue y-a-t-il à avoir, que celui de les considérer comme ce qu'ils sont, soit des êtres vivants qui méritent à ce titre un respect à qui de droit ?
ÊTES VOUS SATISFAIT(E) DE VOTRE VIE ACTUELLE? ─ Je dirais que oui, après tout je suis au service de Maître Denovan et du Jeune Maître Mezariel. Ces deux représentants de la maison De Saint Louis sont ma raison d'être. Tant que je continue d'exercer en leur nom, je suis satisfaite.
SI NON, QUE VOUDRIEZ-VOUS CHANGER? ─ Même si ma vie me convient, il y a évidemment des choses que j'aurais préférer voir se dérouler différemment. La mort de feu son épouse de Maître Denovan, plus que tout. Ainsi, mon petit maître n'aurait pas eu à grandir sans mère...
VOTRE POINT DE VUE SUR LE MONDE CONNU? ─ Dangereux ; c'est là le premier descriptif qui me vient à l'esprit. Cent années déjà que je le connais, ce monde et j'ai vu à quel point certains de ses résidents étaient pourris jusqu'à l'âme. Cependant, des âmes pures et innocentes me laissent à garder l'espoir que les choses ne sont jamais entièrement noires et me font l'aimer assez pour accepter d'y rester encore un peu plus longtemps.
| | Joueur PSEUDO ─ cierń ou bien épine principalement ÂGE ─ 21 ans SEXE ─ pêche LA COULEUR DE TON PYJAMA ─ BATMAN NANANANANANA (pardon) (mais oui j'ai un pyjama batman voila kestuvafer) |
| | Nao de SaintLouis♕ • Mordue • ♕ Messages : 53 Âge du personnage : ~ 100 ans (elle a arrêté de compter)
Mémoire de vieRace: MorduMétier/Rang: Servante / Garde-du-corpsStatut amoureux: Célibataire | Mer 21 Sep - 20:10 Histoire Suite
NUIT III ••• Aiguisez les crocs
Peu importe les événements, des plus tragiques aux plus réjouissants, qui surviennent. La vie s'écoule de la même façon pour chacun ; le temps suit son chemin, inarrêtable. Pourtant, il avait beau passer, ses effets n'avaient plus le moindre impact sur moi. Je demeurais figée à ce jour ou mes défunts parents m'ont conduit jusqu'à la demeure des De SaintLouis, incapable de vieillir – incapable de mourir.
Malgré la dette réglée, je restais de moi-même au service de Maître Denovan. Je n'avais nul part où aller autrement. Je demandais cependant à ce dernier, dans le plus grand des secrets car jamais son père Sieur Castiel ne devait l'apprendre, de faire parvenir une somme d'argent, correspondant à la moitié de mon salaire, à ma sœur Garance. Cela afin de l'aider avec Justin et ses propres enfants.
Je ne révélais pas à mon maître la survie de Justin ; ce fut lui qui le découvrit en me suivant un jour, alors que j'allais retrouver mon cadet à notre lieu de rendez-vous habituel, sur la colline surplombant la ferme ou il demeurait. Je le regardais grandir avec un plaisir, teinté de la tristesse de ne pouvoir le faire à ses côtés. Ce jour-là, après avoir comblé les caprices de mon petit frère et l'avoir autorisé à grimper sur mon dos pour une cavalcade – il raffolait de cela, ainsi que de pouvoir dormir contre mon ventre rond et pelucheux – je repartais … pour mieux découvrir mon maître m'attendant au bout du chemin.
Il n'était point fâché, seulement désoeuvré de voir que je n'avais eu la confiance de lui révéler cette information. Ce fut la première fois que je déçu mon maître et si j'en étais désolé, je ne pouvais ignorer qu'il demeurait un De SaintLouis. Son père était un monstre, mais il le défendrait toujours car il était son sang ; moi, je n'étais qu'une servante, je n'avais nulle importance et mon frère moins encore. J'eus quelques difficultés à m'adresser à mon maître par la suite, du moins dans les premiers temps, bien qu'il affirmait continuer de me vouloir à son service. Il ne m'avait même pas puni, décidément trop bon avec moi.
Cela s'arrangea lorsque je manquais de mourir.
Ce fut ma première rencontre avec ceux qu'on nommait vampires. J'étais sur une chasse solitaire, emportée loin des terres de mes maîtres par mes pattes folles et le troupeau de biches que je traquais. Je croisais la route du suceur de sang au détour d'un bosquet. Il avait l'apparence d'un homme, d'une grande beauté d'ailleurs, à l'exception de ses yeux rouges sang et de ses canines dépassant de ses lèvre. Nous n'avions même pas réfléchi ; nous nous sommes sauté à la gorge, muent par d'anciens instincts ancrés en nos chaires. Je n'étais plus moi-même, rien de plus qu'une louve, une bête féroce. Mon acharnement eut raison du vampire, mais non sans en payer le prix. Ses crocs s'étaient plantés dans ma hanche et je boitais sévèrement, tout en perdant beaucoup de sang.
Je rentrais vers le manoir en me traînant, faible et proche de l'évanouissement. Hors, si je m'arrêtais pour m'endormir en chemin, je n'étais pas certaine de m'en relever. Je devais rentrer – bien qu'une part de moi se disait “à quoi bon ?”. finalement, à bout de forces, je renonçais et me couchait sous un arbre. Je fermais les yeux un instant, qui se révéla en réalité être des heures. La nuit m'englobait, j'ignorais ou j'étais, déboussolée et ne pouvant sentir rien d'autre que mon propre sang qui maculait mes flancs et séchait sur mes poils.
Pourtant, un instant sourd en moi, me poussait à retourner auprès de maître Denovan. Puissant dans ce qui me restait d'énergie, je poussais un long hurlement, signalant ma position à qui voudrait bien me dénicher. Je refermais ensuite les yeux, me demandant si ma dernière heure était arrivée.
Lorsque je les rouvrais, j'étais couchée sous forme humaine dans le lit de mon maître, ce dernier assoupit sur une chaise à mes côtés. Ma hanche était enveloppée de bandages propres, acte que je devais au médecin de la famille, un vieux lycan aux mœurs discutables, mais habiles de ses doigts.
« Merci, Maître... » murmurais-je à demi. Je ne fus pas surprise de l'entendre de me répondre. « Je n'allais tout de même pas laisser ma servante préférée mourir bêtement. »
Trop bon, décidément. Il le prouva encore une fois l'année ou il m'apprit à lire et à écrire, moi la paysanne inculte. J'ai tant de bons souvenirs en compagnie de mon maître que les énumérer seraient sans fin.. j'étais simplement heureuse d'être à son service. Ouvrir les volets le matin pour le réveiller et l'entendre grogner, l'aider à nouer sa cravate lors des réunions importantes de famille, l'accompagner à des chasses nocturnes et rabattre le gibier jusqu'à ses crocs... c'était ma vie désormais, entrecoupée de visites à Justin que je n'avais plus besoin de dissimuler, mon maître m'y autorisant tout en spécifiant que nous devions demeurer prudents. Je ne le savais que trop bien.
Sous mes yeux bienveillants et l'assaut des années passant, pareilles à des vagues s'écrasant sur la roche de la falaise, Justin grandissait. Il devint adolescent, me dépassant en taille, puis homme. Garance notre sœur avait eu quatre beaux enfants et j'étais très heureuse de les observer de loin. Justin me parlait souvent d'elle, de comment elle avait cherché à me contacter, en vain – c'était mieux ainsi, Castiel ne devait apprendre leur existence. Ils faisaient leur vie. Justin un jour, s'amena à notre rendez-vous, les joues rouges et excité comme jamais. Il avait rencontré une jeune fille, une vendeuse de fleurs aussi délicates que les roses qu'elle arrangeait en bouquets d'après ses dires. Je ne fus pas surprises lorsque, quelques mois plus tard, il m'avoua l'avoir demandé en mariage.
J'étais heureuse pour mon frère ; il n'était plus un petit garçon. Il construisait sa vie, aurait bientôt sa propre famille d'ailleurs. Mais quelque chose en moi se brisa en réalisant qu'il n'avait plus besoin de moi. J'avais regardé sa vie défiler au loin en spectatrice et la mienne, à côté, demeurait figée. Je ne connaissais rien de plus de l'amour qu'avant, si ce n'est que c'était douloureux d'aimer un homme inaccessible.
Et Maître Denovan le devint plus encore lorsqu'il partit pour le Palais de Paris.
Ses nouvelles obligations de Marquis de la Cour du Roi l'obligeaient à déménager. C'était également, je pense, bénéfique pour lui de s'éloigner de la pression familiale exercée par son père. Cependant – je ne fus autorisée à venir avec lui. Je chargeais ses affaires dans le carrosse et le regardais partir, là ou il n'avait besoin de mes services. Il me quittait et moi je demeurais en ces lieux, prisonnière des griffes de Castiel. C'est une aube sombre de ma vie qui se levait ici. Déjà fragilisée par la constatation que Justin vieillissait, j'étais désormais seule, mais pas oubliée pour autant.
« Tâchons de voir si tu sauras te rendre utile. » avait déclaré Sieur Castiel en me convoquant dans son office le lendemain du départ de mon maître Denovan. À ses côtés, demeurait Aliénor, sa domestique fétiche et une louve que j'avais en horreur. Elle était dangereuse et me méprisait farouchement. Je la soupçonnais d'être sous le charme de son propre Alpha et de jalousez la relation de confiance mutuelle me liant à Denovan. Pauvre chose.
À compter de ce jour, j'exerçais de moins en moins en tant que domestique au manoir. L'on me confia des missions, lesquelles allaient de la simple remise en main propre d'une missive à des lycans alliés, qu'à l'extermination des “nuisibles”. J'appris bien plus tard que tant qu'il était là pour faire exercer son autorité, Maître Denovan avait toujours prit soin de me protéger de ces travaux salissants. J'étais bien plus sa protégée que je ne le soupçonnais.
J'eus bientôt tant d'assassinats à mon nom que je cessais de les compter. Je me rappelais que Denovan m'avait dit un jour, en comprenant que je n'avais nullement le comportement d'un Bêta, mais l'indépendance des Oméga – soit les loups exclus des meutes –, que je ne devais jamais laisser quiconque comprendre ce que j'étais hiérarchiquement. Seulement, nous avions sous-estimé je pense les capacités d'observations de Sieur Castiel ; il savait. C'était précisément pour cela qu'il me confiait chaque tâches ingrates se présentant. Il avait également autorisé les autres serviteurs à me rabaisser et à me considérer comme inférieure à eux.
Certains essayèrent ; ils regrettèrent aussitôt en découvrant un matin la disparition de Jonathan, le loup brun qui avait tué ma mère des décennies plus tôt. Son corps ne fut jamais retrouvé et personne n'avait la moindre preuve que j'y étais pour quoique ce soit. D'autant que l'avantage unique d'être sous les ordres d'un lycan tel que Castiel, faisant que nous n'avions aucune importance à ses yeux. Un loup mort signifiait un loup faible en moins. Tout simplement. J'avais succombé à la saveur de la vengeance et c'était bien l'un des rares réconforts qu'il me restait désormais.
Un jour, je me rendais à notre rendez-vous pour voir Justin. Je fus frappée de voir ce à quoi il ressemblait désormais. Vieux, fripé, il marchait à l'aide d'une canne. Son alliance brillait à son annuaire. J'étais fière de lui, de ce qu'il avait accomplit. Lui et sa marchande de fleurs, que j'aurais tant aimé rencontrer, avaient construit une famille. J'étais tante d'enfants que je ne connaitrais jamais, mais que j'aimais de tout mon cœur malgré tout. Justin m'avoua une fois que sa femme avait insisté pour que leur cadette se prénomme Nao. Sa sœur, quant à elle, se prénommait Claudine. Des hommages qui me firent chaud au cœur.
Couchée dans les herbes hautes contre Justin, je laissais sa vieille main ridée caresser mon échine, ma queue remuant de quiétude à cet instant de bonheur que je pouvais encore partager avec mon frère.
« Tu sais Nao. Je suis heureux que tu sois devenue une lycan. Je sais que c'est dur pour toi, grande sœur. Surtout en ce moment. Mais tu es forte. Et tu es bonne. J'espère qu'un jour, tu auras enfin le droit à ton tour de recevoir tout l'amour que tu mérites. » « Je l'ai déjà reçu de ta part, petit frère. » répondis-je, désormais capable de parler même sous ma forme lupine. Justin sourit. « Pas cet amour-là, Nao. Je te parle des sentiments que tu nourris pour ce Denovan. Ne les laisse pas se consumer et te refroidir avec leurs cendres. Tu mérites d'être aimé. »
Je ne répondis pas, perdue dans mes pensées. Lorsque ce fut le moment de nous quitter, j'accompagnais Justin jusqu'au pied de la colline, sa main se servant de mon épaule comme aide. Nous restâmes un moment front contre front, avant que la main de Justin ne glisse et qu'il s'éloigne. Mon cœur se gonfla de chagrin, comme si c'était la dernière fois que je le voyais. Au fond de moi, j'en étais déjà persuadée.
Lors du prochain rendez-vous, Justin ne vint pas. Il ne vint plus jamais.
◊◊◊
L'amour frappa oui ; mais je ne fus pas la victime.
Un jour, Maître Denovan revint. L'annonce de son retour me rendit euphorique, moi qui me croyais incapable d'éprouver encore de la joie, seule dans ce froid manoir ou je n'avais aucun allié ; à l'exception peut-être du vieux médecin qui avait toujours prit soin de raccommoder mes blessures et de me réconforter. Mais ce lien n'égalait en rien celui qui me liait à mon maître. J'étais déjà devant le portail à l'aube, prête à l'accueillir.
Dans leur malice, Castiel et ses serviteurs avaient omit de me prévenir que s'il revenait, c'était pour présenter sa future épouse. Je fus donc surprise de le voir arriver avec à son bras, une jeune femme à la beauté gracieuse et naturelle. Je fis de mon mieux pour ne rien laisser paraître, malgré mon cœur effrité.
« Nao. Qu'il est bon de te revoir. » souffla Maître Denovan en s'approchant, me prenant à bout de bras pour m'examiner. Le sourire qu'il fit naître sur mes lèvres n'aurait put être plus radieux et sincère. « Je suis heureuse de vous revoir également, Maître. » « J'aimerai te présenter ma fiancée, Hallellujah. »
C'était douloureux, après toutes ces années écoulées. Mais en regardant mon maître dans les yeux, je pouvais y lire tout l'amour qu'il nourrissait à l'égard de cette jeune personne. Je le comprenais ; elle était si belle, semblait si douce.. je m'inclinais devant elle, avec le respect que je lui devais donc. Puis je m'écartais pour les laisser avancer, Sieur Castiel les attendant dans son office. Moi, je demeurais devant la porte en attendant.
Je n'entendis ce qu'il se passa à l'intérieur, et fut totalement désorientée en voyant la ravissante Hallellujah sortir soudain en trombe, les larmes débordant de ses yeux. Maladroitement, ne sachant si mon rang m'autorisait pareil acte, je m'approchais pour poser une main que j'espérais rassurante sur son épaule. Je n'avais prévu qu'elle me tombe alors dans les bras pour pleurer plus chaudement et me retrouvais à devoir la consoler, moi qui depuis plus d'une décennie désormais, je devais sécher mes larmes seules et n'avait pour intime contact, que la sensation d'une gorge broyée sous mes crocs. C'était déroutant, mais je fis de mon mieux pour prendre soin d'Hallellujah jusqu'à ce que mon maître fasse irruption hors du bureau à son tour. Je ne m'attendais cependant, à ce que ses premiers mots en nous voyant ainsi, soient ;
« Nao, veux-tu venir avec moi, me servir au Château ? »
Je ne réfléchis même pas avant d'accepter. Je refusais de le voir partir à nouveau loin de moi. Justin désormais mort, il était tout ce qu'il me restait. Aussi quittais-je la demeure De SaintLouis sans me retourner, partant en leur compagnie. J'appris durant le trajet que Hallellujah était enceinte. Mais plutôt que de céder à la jalousie, trop aisée, je me contentais de féliciter chaudement mon maître, heureuse de le voir trouver le bonheur. Et je me réjouissais à l'idée de voir un Denovan miniature pointer bientôt le bout de son museau, me promettant que je ferais tout pour le protéger.
Tout ne serait pas de trop, nous ne tardions à l'apprendre..
NUIT IV ••• Portrait de famille
La vie au Château était quelque peu différente de ce que j'avais connu jusqu'à présent. Mais ce n'était point désagréable ; bien que la possibilité de pouvoir courir à travers bois sitôt que l'envie m'en prenait se faisait plus rare. Cependant, j'étais heureuse d'être à nouveau au service de Maître Denovan et Maîtresse Hallellujah – laquelle ne supportait que je l'appelle ainsi, insistant pour que je la tutoie également. La bohémienne enceinte, bien qu'elle ait prit la place dans le cœur de Denovan que je convoitais en secret bien gardé depuis longtemps, devint pour moi une amie. Elle ne me tenait pas rigueur de mes sentiments qui dépassaient ceux d'une simple servante, apparemment évident pour chacun hormis le concerné ; au contraire, elle préféra apprendre à me connaître. Notre complicité n'était pas feinte, grandissant en même temps que le ventre d'Hallellujah s’arrondissait.
La naissance nous prit de court, tous les trois. Maître Denovan semblait désoeuvré comme jamais je ne l'avais vu alors, ne sachant que faire. Hallellujah paniquait et ne savait gérer ses contractions – je ne dû mon calme qu'aux années passées à la ferme, à aider mes parents à mettre bas les veaux et les agneaux. Ce fut moi donc qui accoucha la bohémienne, non sans trembler de faire une erreur. For heureusement, la naissance se déroula sans obstacle et, n'étant un soir de pleine lune, l'enfant naquit humain et non louveteau. Lorsqu'il n'y eu plus le moindre risque pour la mère ou son nouveau-né, blottit contre son sein qu'il tétait goulument, je me retirais. J'emportais mes bassines et langes sales, laissant les parents subjugués et radieux avec leur progéniture. Ce tableau de famille était d'une intimité profonde et dégageait tant de bonheur – je n'avais lieu de le gâcher par ma présence.
Plus tard, alors que je m'attelais à préparer le repas, Maître Denovan vint me voir. Le sourire qu'il abordait depuis la naissance de son fils était incomparable, jamais je ne l'avais vu aussi épanoui.
« Nao. Merci encore pour aujourd'hui. Je – Enfin, nous aimerions que tu choisisses le prénom de notre enfant, si tu le veux bien. » « M-Moi ? Mais je n'ai jamais – » j'en étais abasourdie, mais Hallellujah depuis son lit, jusqu'auquel Maître Denovan me conduisit, insista à son tour. Elle me tendit le garçon nouveau-né pour que je le tienne contre moi. Il était magnifique, si innocent encore. Je le berçais un peu, cherchant un nom approprié. Je repensais alors, à un jour fort lointain, ou Maître Denovan m'offrit mon premier livre pour récompenser mon assiduité dans nos leçons. C'était un roman de capes et d'épée. Le héros se nommait – « Lazare. »
Les parents sourirent et Hallellujah tapa dans ses mains avec enthousiasme. Ainsi, Lazare De SaintLouis était né.
Le répit de la jeune mère cependant, fut de courte durée. Quelques mois seulement après la naissance de son fils, Hallellujah retomba enceinte de manière imprévue. Denovan s'inquiétait évidemment de la santé de son épouse, ne sachant s'il était très sain d'enchaîner deux grossesses de manière si prématurée. Cependant, ils étaient également ravis, la bohémienne répétant en caressant son ventre, redevenu plat mais pour gère longtemps, que c'était là une surprise bénie des cieux. Plus que jamais, j'étais attentive et prenait soin de ménager ma maîtresse et amie, m'occupant d'elle et de Lazare de mon mieux.
J'aimais profondément cet enfant. Sa première pleine lune fut un léger choc pour sa mère, mais voir son louveteau de fils couiner était le spectacle le plus attendrissant qui soit. Lazare était un bébé solide et en bonne santé, qui commençait déjà à s'exprimer par de petits sons gutturaux et à saisir tout ce qui passait à portée de ses petites mains potelées. Il gazouillait pour répondre à son père lorsque ce dernier s'adressait à lui et faisait déjà des caprices pour ne pas dormir, au damn de sa mère qui commençait à se sentir nauséeuse de sa grossesse. Hallellujah dormait beaucoup, se réveillant surtout pour nourrir Lazare et jouer un peu avec lui, ainsi que le soir pour profiter de moments intimes avec son époux et son fils. Le reste du temps, je m'occupais donc de l'enfant. Pour l'endormir, je lui chantais fréquemment une berceuse, la même qu'autrefois je murmurais à l'oreille d'un Justin enfant.
◊◊◊
Décembre nous accueillait désormais en son cœur. Hallellujah et moi-même passions des heures à regarder les flocons virevolter dans les airs depuis les fenêtres de l'appartement, Lazare jouant sagement entre nous. Maître Denovan était absent, comme souvent, accaparé par d'importantes affaires. Je sentais depuis quelques temps le mental de mon amie s'effriter. Elle me confia souffrir de ne plus avoir vu sa famille depuis si longtemps. Ils ne connaissaient même pas Lazare ; évidemment, elle comprenait également les risques. Mais elle désirait les revoir cette année, au moins une dernière fois avant qu'ils ne quittent la France. Leur dire pour son fils et le second à venir, proche de la naissance désormais.
Je ne sais pourquoi je me suis laissé convaincre. Je le regretterai éternellement car la suite des événements est en grande partie de ma responsabilité. Toujours est-il que je fini par céder, acceptant de l'accompagner, si toutefois elle me promettait que nous serions rentré avant la tombée de la nuit. Le sourire si radieux d'Hallellujah acheva de faire flancher ma méfiance. Cependant, alors que nous commencions à nous affréter, des coups retentirent à la porte. Lorsque j'ouvris, je reconnue une des servantes mordues des De SaintLouis. C'était une jeune louve arrivée peu de temps avant mon départ avec Maître Denovan, qui baissait toujours la tête lorsqu'elle me croisait dans les couloirs.
« Pardonnez-moi.. Mon Maître souhaiterait que vous reveniez immédiatement au manoir, c'est une affaire importante dont il doit vous entretenir. Veuillez me suivre. » débita la servante.
Je fronçais les sourcils. Cependant et malgré que mon maître demeurait le Marquis actuellement absent, je ne pouvais refuser une convocation de la part du père de ce dernier. D'autant que durant les années d'absence de Denovan, je m'étais trouvé au service de Sieur Castiel, qui m'avait donné maintes missions. Mais dans le même temps, Hallellujah – Lorsque j'expliquais à cette dernière la situation, elle secoua la tête, assurant que tout se passerait bien. Elle laisserait Lazare ici par précaution le temps de sa sieste.
« Ne t’inquiète pas, Nao, tu n’aura qu’a passer me prendre après ta convocation et nous rentrerons ensemble ici, d’accord ? » « Maitresse, je maintiens tout de même que je préférerai que vous m'attendiez... »
Mais Hallellujah savait me convaincre. Et je devais y aller. Aussi suivis-je la servante du manoir avec quelques réticences, espérant que tout irait bien pour la jeune mère. Mais j'avais tout autant à me préoccuper de moi-même –
Arrivée au château des De SaintLouis, on me fit attendre dans l'entrée, stimulant qu'on allait venir me chercher. Je commençais à devenir nerveuse, quelque chose me dérangeant. Mon sentiment parasite devint plus fort lorsque je vit les portes se fermer dans mon dos et soudain, plusieurs serviteurs apparaître pour m'entourer sous leurs formes lupines. Je me changeais à mon tour, dévoilant mes crocs. Jamais je n'aurais dû venir.
Le premier inconscient se jeta sur moi, je le repoussais d'un coup d'épaule, le bousculant pour le faire tomber au sol et j'écrasais sa gorge d'une patte dominante, le défiant de faire un mouvement de plus. Les autres loups frémirent, hésitants.
« J'avais dis à Père que cela ne servirait à rien, elle est trop puissante pour que des Mordus l’immobilise. » retentit soudain une voix au timbre amusé. « Nous n'avons pas le choix, on va s'en occuper nous-même. »
Je tressaillis en me retournant, découvrant les deux frères cadets de Maître Denovan. La lutte tourna rapidement court lorsqu'ils se jetèrent à leur tour sur moi. Contre deux sangs-purs, je n'avais pas l'ombre d'une chance. Je me débattais avec férocité, grognant et me secouant tandis que l'étreinte de l'ainé se resserrait sur mon cou, m'étranglant à demi. Lorsque je vis son frère manipuler avec des gants et précaution des chaînes que je devinais en argent, je redoublais d'ardeur pour tenter de m'échapper. Hallellujah – elle était en danger.
« Tiens toi tranquille. » m'intima le frère me tenant, alors que ma mâchoire claquait, proche de son bras. Il me contraignit à la docilité en me la déboîtant d'un geste précis et je me calmais, en proie à une douleur sourde.
Ce fut pire lorsque je me retrouvais avec un lourd collier d'argent au cou et deux chaînes du même métal aux pattes avants. Les brûlures infligées ces liens étaient atroces, je devais me retenir de hurler. Incapable de me défendre désormais, je les laissais me traîner jusqu'au sous-sol, m'enfermant et m'attachant dans les cachots sous la demeure. Là, m'attendant la personne certainement à l'origine de cette torture ; Anna Gladys de SaintLouis. La mère de Maître Denovan. Elle m'accorda un simple coup d’œil méprisant, ne m'ayant jamais apprécié, moins encore que son époux qui me trouvait au moins une utilité en tant qu’exécutrice.
« Vulgaire et pathétique chose. Si au moins il t'avait mit dans ses draps, nous aurions pu le tolérer. Tu aurais dû écarter les cuisses avec plus de ferveur. » me laissa-t-elle avant que la porte ne se referme. Je ne lui fis ni le plaisir de répondre ou de pleurer. Ma fierté de louve me l'interdisait. Intérieurement, je priais pour que Maître Denovan soit aux côtés de son épouse et son fils le plus vite possible.
Je ne sais combien de temps je demeurais enfermée en ces lieux sordides. La douleur me faisait perdre toute notion du temps et de l'espace. Je perdais du sang en grande quantité et ne pouvait même plus redresser la tête. Mes pensées étaient confuses et désordonnées. Soudain, j'entendis des bruits de pas précipités et une voix lointaine qui appelait. Je ne percevais aucune odeur familière, tout étant masqué par le parfum de mon propre sang. Je trouvais cependant la force de pousser un gémissement, ne sachant s'il serait entendu.
Il le fut ; Maître Denovan apparu alors, défonçant la porte des cachots. Je ne le reconnus pas de suite, uniquement lorsqu'il se précipita à mes côtes.
« Oh bon sang, Nao – Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? » « Non non non... Maître ce n'est pas ici, vous ne devriez pas être ici ! » marmonnais-je, sanglotant à demi.
Cependant, il ne m'écoutait pas, m'intimant au silence. Sans réfléchir d'avantage, il empoigna mon collier à pleine mains, se brûlant également, alors qu'il tirait jusqu'à briser les chaînes. Libre, je m'effondrais au sol, prenant de longues inspirations rendues sifflantes par les plaies et la douleur. Je n'avais cependant loisir de me reposer. Il fallait retourner auprès d'Hallellujah au plus vite et j'expliquais la situation brièvement à mon maître. Ce dernier, déjà alerté par une note que lui aurait laissé la bohémienne et qu'il découvrit en rentrant à leurs appartements, se redressa aussitôt et revêtit son apparence lupine, sa fourrure dorée aussi belle qu'à chaque fois.
D'un grognement, il m'offrit de le suivre. Malgré la douleur, je pris sur moi pour me relever également, faisant quelques pas mal assurés sur mes pattes. Le sang gouttait en abondance, maculant mon pelage d'ivoire. Mais l'adrénaline et la peur me permirent de tenir, aussi m'élançais-je à la suite de mon maître, filant aussi promptement que nos pattes nous le permettaient vers Paris.
La veillée de Noël nous offrait la liberté de circuler ainsi à travers les rues enneigées, les familles s'étant réunies dans leurs foyers. Qui plus est, c'était la pleine lune. Lorsque nous arrivions finalement jusqu'aux caravanes des gitans, c'est un spectacle de désolation qui nous attendait. La carriole était détruite et un homme, certainement un des frères de Hallellujah, tenait un corps sans vie contre lui. Notre bohémienne désirée, cependant, n'était nul part. Sans perde de temps ni même s'autoriser un instant de recueillement, Maître Denovan bondit sur la piste de son épouse. Je lançais un dernier regard à l'homme brisé et pleurant à chaudes larmes, ne comprenant que trop bien sa douleur pour l'avoir vécu. Puis, à mon tour, je m'élançais.
Nos pas nous conduisirent jusqu'au parvis de Notre Dame. La meute était là, Castiel à sa tête et sur le point de planter ses crocs dans une petite chose emmaillotée dans des langes – l'enfant de Denovan et Hallellujah. Il était né.
Mon maître s'élança pour s'interposer. Moi, je cherchais la bohémienne du regard, pour la trouver à terre, son sang s'écoulant de ses plaies. Elle respirait encore. Je m'approchais, grognant pour faire reculer les autres loups qui ne bougeraient de toutes manières que sous les ordres de leur Alpha, comme les moutons stupides qu'ils étaient. Un coup d'oeil me suffit pour comprendre que sauver ma maîtresse était impossible. Les coups de griffes étaient trop profonds, larges sillons carmins sur son corps fragile. J'avais échoué dans ma tâche de la protéger. En tant que servante et amie. Doucement, je m'approchais jusqu'à poser mon museau sur sa joue, gémissant faiblement. Hallellujah leva une main tremblante jusqu'à me toucher.
« Que tu es belle... » ces mots me frappèrent, me renvoyant des années en arrière, alors que la scène d'une troublante et douloureuse familiarité se déroulait, à l'exception que c'était à ma sœur que je faisais mes adieux. « Nao, protège-les je t'en pris... Mes fils, Denovan... Ils ont besoin de toi... »
D'un coup de langue chaud pour recueillir ses larmes, je promis. Je me détournais à regret, priant un Dieu qui m'était désormais inaccessible de l'accepter à ses côtes. Lorsque je croisais le regard de mon maître, je secouais la tête et remontait les marches du parvis pour venir prendre sa place auprès du couffin, le laissant faire ses adieux à sa moitié. Ce fut le premier regard que je posais sur Mezariel De SaintLouis, alors louveteau à l'aube de ses première heures, petite chose couinante et remuant entre les langes. Si innocent, alors qu'en cette nuit sanglante, tout n'était que mort et désolation autour de lui. Je m'abaissais pour le pousser doucement du museau avec tendresse et plaçait mes pattes de part et d'autres du couffin pour défier quiconque de s'approcher. Je demeurais ainsi jusqu'à ce que mon maître revienne le prendre. Hallellujah demeurait, couchée dans la neige, immobile à jamais.
Tout était fini. Maître Denovan rentra avec son fils cadet et la meute jusqu'au manoir familial ou il s'enferma dans ses appartements avec son enfant. Moi, je retournais aux appartements royaux en hâte, ne pouvant encore céder au chagrin. Je retrouvais Lazare, précieux louveteau qui dormait d'un sommeil inconscient dans son berceau. Je le pris dans mes bras, le berçant tendrement sur le chemin du retour jusqu'à la demeure, mes sanglots entrecoupant la berceuse que je chantais encore pour lui.
NUIT V ••• L'enfant Soleil
Retourner au manoir De SaintLouis ne fut pas aisé. Maître Denovan s'enferma avec ses fils dans ses appartements au commencement. J'étais la seule autorisée à y entrer ; d'ailleurs, je n'étais plus que l'unique servante à son service. Les autres étaient ignorés ou congédiés froidement s'ils osaient s'approcher pour faire ne serait-ce que les poussières. Je m'efforçais de prendre soin de mon mieux de mon maître et de ses enfants. Mezariel, le cadet, avait conquit mon cœur en instant. Il était un enfant magnifique, malgré son œil de loup déformé, qui m'apparaissais non comme une monstruosité, mais comme un joyau. Je passais de longs moments à le bercer tout en l'allaitant au biberon, tandis que son frère dormait ou jouait sur le tapis à nos côtés. Denovan parlait peu et buvait beaucoup, cela prendrait du temps avant qu'il ne fasse son deuil et je le respectais.
Un soir, il me convoqua. Je m'attendais à ce qu'il me demande de lui ramener une énième bouteille d'absinthe ; il en fut tout autre. Les mots qu'il m'adressa alors qu'il me tendait un bout de papier griffonné me statufièrent.
« Je veux que tu partes avec Lazare cette nuit. Conduis-le jusqu'à cette adresse. Ils prendront soin de lui. » « Comment... ? Mais, Maître, que voulez-vous dire ? » « Il n'est pas en sécurité ici. Je ne peux pas les garder tous les deux, ce serait les mettre en danger. Lazare pourra avoir une vie plus ou moins normale, loin de cette maison. Mezariel, de par sa difformité, n'aura jamais cette possibilité. C'est la seule solution, Nao. »
J'eus beau argumenter, supplier, protester, je savais que mon maître avait raison. Qui plus est, c'était un ordre et je ne pouvais le contester. Aussi, malgré ma désapprobation et le cœur lourd, j'enfilais une cape par-dessus mes vêtements d'office. Je prenais ensuite Lazare, qui commençait à se réveiller et à geindre, le berçant contre mon sein et chantonnant cette berceuse qu'il aimait tant. Pour une fois, je voyagerais à cheval, telle une humaine. J'embrassais Mezariel et laissais les frères se faire leurs adieux, sans qu'ils en soient conscients. Maître Denovan s'était de nouveau enfermé ; sans doute était-ce trop dur. Je partis ensuite sans plus un regard, m'enfonçant jusqu'entre les serres de Dame Nuit, mon précieux paquet contre mon cœur.
Nous cheminâmes deux nuits durants à bride abattue. Denovan envoyait son fils à l'intérieur des terres, dans un endroit reculé ou les autres loups ne viendraient point le chercher. Je profitais autant que je le pouvais des derniers instants passés avec l'enfant, adressant des excuses silencieuse à Hallellujah. Enfin, je parvenais jusque sur le seuil de la demeure ou Lazare passerait désormais ses jours. Je le serrais une dernière fois dans mes bras, embrassant son front – “S'il te plait, ne nous oublie pas”. Je le confiais ensuite aux mains de celle qui désormais l’élèverait comme si elle était sa mère et fit volte-face avant que les larmes ne menacent de couler à nouveau.
Sitôt rentrée, j'accourais au chevet de Mezariel pour bercer l'enfant contre moi. Je promis de dédier ma vie à le protéger. Et si je devais y laisser mon souffle, mon cœur et mon âme, cela ne serait que justice pour mes méfaits accomplis.
Les années continuèrent comme toujours, le temps étant immuable. Moi je demeurais et regardais mon petit maître grandir, le consolant lorsque les autres enfants du manoir s'en prenait à lui et montrant les crocs tandis que je le serrais contre moi pour le protéger. Je le chatouillais pour le faire rire, lui lisait des histoires pour l'endormir – j'avais presque l'impression de retrouver cette époque bénie ou j'étais une humaine innocente et lavée de tout crime, ou je m'occupais de mon Justin. Maître Denovan, progressivement, semblait se remettre de sa blessure. Il faisait de son mieux également, à sa manière, pour veiller sur son fils. Leur relation, bien que maladroite, me faisait chaud au cœur.
Lazare disparut. Lorsque je retournais sur place pour le visiter, quelques mois plus tard, l'endroit était désert. Il ne restait aucune trace, comme s'ils avaient fuit avec l'enfant. Denovan n'en dormit pas pendant deux jours. Je pleurais et fouillais les environs sans relâche, jusqu'à ce qu'il ne doive m'ordonner de rentrer auprès de Mezariel qui devenait bougon sitôt que je n'étais à ses côtés.
Un jour mon maître se remaria. À nouveau, il devenait plus inaccessible que jamais et si Hallellujah était devenue mon amie, ce ne fut pas le cas de la nouvelle arrivante, qui n'était à mes yeux qu'une voleuse me prenant mes temps privilégiés avec Mezariel. Du moins cela dura un temps, pendant sa petite enfance. J'étais soulagée, dans ma jalousie possessive, de constater que notre relation avec mon petit maître ne fut altérer par cette nouvelle arrivée dans nos existences. Cette période fut également pour moi l'occasion d'expérimenter brièvement l'amour, sous une forme imprévue. Un chasseur, croisé alors que je me rendais au marché pour acheter légumes et fruits, étant de corvée. Il porta mes paniers et me fit la conversation, charmant homme qu'il était sous son apparence solide de bûcheron. Je le revis plusieurs fois, me laissant même succomber à ses avances un soir qu'il avait apporté du vin à notre lieu de rendez-vous, au vieux puits. Après tout j'étais bientôt centenaire et j'avais passé la moitié de mon existence à soupirer après un être qui jamais ne m'aimerait en retour.
Mais mon chasseur, après nos ébats charnels dans l'intimité de la nuit, m'avoua la raison de sa présence en ces terres. La tête d'un Infant, tel était le trophée visé. Cette révélation me glaça alors que je comprenais que c'était après Mezariel, mon précieux petit maître, qu'il en avait. J'aimais mon chasseur, mais jamais aussi fort que j'aimerais cet enfant. Sa tête fut tranchée avant qu'il eut le temps de le comprendre. Je ne versais pas une larme et ce fut là mon occasion de constater à quel point triste et froide j'étais devenue. Bientôt, peut-être même serais-je incapable d'éprouver quoique ce soit.
Ce soir là, je rentrais me coucher après avoir lavé le sang et enterré le corps, lui déposant une rose sur sa tombe, pour trouver un petit être blond engloutit par mes couvertures. Maître Denovan m'avoua en souriant que Mezariel m'avait attendu toute la nuit et s'était assoupi durant sa veillée. Je souriais à mon tour et vint me coucher en prenant mon petit maître dans mes bras.
Sa vie ne fut pas de tout repos également. Après qu'un jour, Aliénor la maudite favorite de Sieur Castiel n'eut tenté de le tuer (l'occasion pour moi de perdre mon sang-froid, allant jusqu'à me jeter sur le maître de cette chienne bonne à achever, pour récolter deux côtes brisés – cela aurait été plus si Denovan ne m'avait attrapé pour me retenir) mon maître et moi-même compriment que le danger au sein de la demeure était toujours aussi présent. Finalement, à l'aube de son adolescence, Mezariel fut envoyé chez sa tante, dans le Sud. La sœur de Maître Denovan était la mieux placée pour le comprendre, ayant perdu un mari humain et une fille, amie de mon petit maître d'ailleurs, des griffes de Castiel également.
Faisant les bagages de Mezariel, le cœur lourd, je glissais un mot avec le pendentif de ma pierre de Lune dans ces derniers. Je comprenais sa colère et son chagrin d'être envoyé loin. Il ne comprenait encore que c'était pour son bien. Mais cela me brisa le cœur de le voir partir sans même m'adresser un sourire ni un regard. Je découvrais à cette occasion que j'étais bien encore capable de verser des larmes.
Le Sud fut une bénédiction pour Mezariel. Moi je demeurais après de Denovan, m'assurant qu'il gardait pied avec la réalité et veillant sur lui comme je l'avais promis à Hallellujah. Je cherchais également Lazare à travers le pays, mes expéditions me laissant toujours haletante et boueuse. En vain ; je découvrais de plus le cadavre enterré avec beaucoup de soins de ses adoptants. Je décidais de ne pas révéler cette information à mon maître, ne voulant l'attrister alors qu'il survivait dans le déni de son fils aîné. Le temps passait, pour chacun d'entre nous.
Aujourd'hui, j'ai cent ans. Cent années pile.
Aujourd'hui, je me tiens devant les grilles du Château de Paris et j'attends l'arrivée du nouveau Marquis, cet Enfant Soleil je n'ai revu depuis trop longtemps et dont j'aurais rêvé qu'il m'appelle “Mère” encore une fois, Mezariel De SaintLouis.
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| | Mezariel D. de SaintLouis♕ • Hybride Lycan • ♕ Messages : 608
Mémoire de vieRace: InfantMétier/Rang: MarquisStatut amoureux: En couple | Mer 21 Sep - 20:41 VALIDATION J'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aimej'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aimej'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime j'aime. VOILA. J'AIME. OKAY? LE SPOILER AURA MEME PAS ATTENUE LA JOIE DE TE LIRE HUUU ♥ Passons! Tu as passé le test d'entrée, faisant donc de toi une LYCANE CITOYENNE, encore bravo! Tu peux dés à présent aller recenser ton avatar, chercher des partenaires de rp et poster une fiches récapitulative de tes relations si cela te tente! N'hésites pas, également, à apporter ta pierre à l'édifice d'Ex-Cathedra, nous fondons beaucoup d'espoir sur toi! Profites de ta jolie couleur ♥ | | Contenu sponsorisé | | |
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