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.Dans l'admiration, nous nous reconnaîtrons. [PV Gustav]Phèdre L. D'Envernay♕ • Mordue • ♕ Messages : 12
Mémoire de vieRace: MorduMétier/Rang: BaronneStatut amoureux: Célibataire | Lun 4 Sep - 19:23 Une légère brume avait envahi la salle d’eau, troublant la vision de l’unique occupante de la pièce. Pourtant, ce handicap ne suscitait aucune angoisse, ni tension chez cette dernière car, retranchée comme elle l’était, Phèdre savait qu’elle ne craignait pas grand-chose en dépit de son apparente vulnérabilité. Les épais murs, conçus ainsi pour protéger les occupants des lieux du froid mordant, étranger venu de l’extérieur, étouffait jusqu’à chacun des soupirs des domestiques qui allaient et venaient derrière la porte, très probablement pour préparer sa tenue. Changeant de position dans son bain, le clapotis provoqué par l’eau tiède résonna comme un doux murmure à ses oreilles. Un frisson couru sur les parcelles de peau non recouvertes par le liquide devenu trouble au fil des minutes. Bientôt, même l’eau savonneuse aurait perdu de sa chaleur, unifiant les frissons sur son épiderme tant humide que sec. Jugeant que la détente avait suffisamment duré pour elle, Phèdre se leva lentement, savourant l’ultime course de l’eau entre ses seins rebondis, glissant toujours plus bas, caressant ses hanches puis filant vers ses cuisses jusqu’à crever silencieusement la surface de la baignoire.
« Anastie, j’ai besoin de vos services ici. »
Même sans élever le ton, l’intonation de sa voix laissait entendre qu’elle n’accepterait pas d’attendre ainsi, debout et nue dans la baignoire, bien qu’enveloppée d’une brume humide. La jeune servante ne se fit pas prier et poussa presque aussitôt la porte de la salle d’eau pour venir assister la louve dans ses préparatifs. Cela faisait plusieurs semaines qu’elle avait élu domicile dans ce manoir, s’assurant de prendre ses marques tant au sein de la demeure que du pays tout entier. Et cela commençait par une petite visite de courtoisie au palais de sa Majesté. Pour elle qui avait fréquenté bien des salons, cette visite-ci s’annonçait particulièrement ambitieuse. Se faire remarquer était une chose. Attirer l’attention du roi sur sa personne en était une autre. Si elle était nerveuse à l’idée d’échouer ? Pas vraiment, ce ne serait que partie remise.
« Madame, j’ai entendu dire en me rendant au marché ce matin, que la mode à la Cour du Roi serait en faveur des couleurs pastels. Aussi, j’ai pris la liberté de vous préparer plusieurs de vos robes dans ces teintes là… Avez-vous une préférence ? »
« Ma foi, j’avais plutôt dans l’intention de porter ma robe ouverte dans le dos, vous savez, celle avec le voile… »
Du coin de l’œil, Phèdre vit très clairement le rouge colorer vivement les joues de sa domestique et elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire dès lors que cette dernière eut le dos tourné. N’était-ce pas de sa faute après tout ? Se croyait-elle à ce point indispensable pour imaginer être en mesure d’anticiper les désirs de sa maîtresse ? Insolente petite truie. La robe en question avait été fabriquée dans un velour noir aux légers reflets bleutées qui pouvaient rappeler la couleur des cheveux de la louve. Si par devant, elle offrait une présentation plutôt sage et solennelle, digne d’une sœur, à travers une robe haute, pauvre en ornement si ce n’est les nuances présentes dans la teinte, jusqu’à un prolongement en col à la base du cou, bien loin des décolletés plongeants habituels de ces dames, sur la partie couvrant l’arrière des épaules et les clavicules, le velour laissait place à un voile transparent bien que sombre, comme pour s’accorder à l’ensemble de la robe. Une petite touche artistique qui n’enlevait rien au caractère austère de la robe. Et c’était ce qui avait séduit la noble. Le vêtement en question ne tarda pas à venir épouser les courbes de sa jeune propriétaire et après quelques menues retouches, les domestiques s’attaquèrent à la chevelure ébène qui reposait en cascade sur les épaules de Phèdre. Fidèle à ses origines italiennes, celle-ci offrait suffisamment de volume pour espérer réaliser des chignons complexes. Dans un sens, cela mettait le visage de l’intéressée en valeur, aussi, opta-t-elle une nouvelle fois pour ce choix. Ainsi regroupés en un chignon assez haut, petite bosse poilue retenue dans un filet, Phèdre n’eut plus qu’à ajouter la touche finale : un serre-tête noir placé à l’horizontal, presque invisible tellement perdu dans le flot de mèches ébènes et permettant au voile opaque de lui retomber gracieusement devant les yeux. Sous le couvert d’un prétendu deuil, elle pourrait ainsi observer sans se faire observer. Ou du moins, dévisager. Ce qui était parfait pour une première apparition au sein de la Cour de Suède.
Cependant, ce ne fut pas au goût de tout le monde, à commencer par les gardes du palais, lesquels considèrent l’arrivée de la louve d’un œil soupçonneux. Quand ce n’était pas perçu comme une blague de très mauvais goût. Nul n’ignorait la tragédie qui avait frappé la famille royale des années auparavant et se présenter ainsi drapée dans le deuil – bien que certainement juste au regard de la personne concernée – pouvait être mal reçu par le principal concerné, à savoir, le Roi lui-même. Phèdre en avait parfaitement conscience mais cela ne l’avait pas fait renoncer à sa petite mise en scène, flirtant avec la provocation. Le Roi devait comprendre mieux que quiconque ce qu’une tenue pareille impliquait. Toutefois, le chef de la garde lui barra l’entrée qui conduisait à la salle de conférence. Son regard indécis et méfiant balaya de la tête aux pieds la silhouette de la louve, laquelle demeura impassible.
« Je regrette ma dame mais je vais vous demander de bien vouloir ôter votre voile… »
Un silence glacial s’installa entre eux, comme si un ange avait soudain décidé de faire une brève apparition. Ce qui ne manqua pas de faire naitre une certain malaise.
« Ma dame ? » tenta de nouveau l’homme, à présent indécis quant à l’attitude à adopter.
« Mes excuses capitaine, je demeurais simplement sous le coup de l’effroi de vous entendre ainsi oser réclamer me voir suspendre ma peine, ajoutant une nouvelle affliction dans la douleur qui est mienne… »
« Je… C’est-à-dire que… »
« Il suffit capitaine. Je ne saurais tolérer davantage d’affront à mon égard. Veuillez donc annoncer que la venue de la baronne d’Envernay, vous en serez que moins ridicule. »
Le ton était donné. Les joues rosies de honte, l’homme s’empressa de s’exécuter. Même si son nom ne lui disait strictement rien, l’inconnue maîtrisait leur langue natale à la perfection. Rien dans son intonation ou même sa prononciation ne fournissait d’indices quant à ses origines. Qui était-elle donc… ?
« Madame, la baronne d’Envernay ! »
Un silence plein de curiosité suivit l’annonce de son titre au sein de la Cour suédoise. Rien qu’à la consonance de celui-ci, Phèdre avait fait le pari de s’introduire comme étrangère en ces terres sauvages, ne cherchant nullement à masquer ses origines alors qu’il lui aurait suffi d’usurper un nom plus commun. Mais ce qui la fit surtout jubiler, ce fut les murmures qui ne tardèrent pas à rompre le silence, se faisant plus discrets sur son passage avant de reprendre de plus belle dans son dos. Non, elle passait décidément pas inaperçue. Et son caractère ambitieux n’en ressortait que plus grand. Si sa robe pour le moins tape-à-l’œil compte tenu des nuances pastels qui constituaient le gros des robes des dames de la Cour – là-dessus, Anastie ne lui avait pas menti – demeurait très certainement au cœur des conversations, les langues de vipères ne s’attardèrent pas uniquement sur son cas. Chaque nouvelle apparition d’untelle ou d’untel suscitait de nouveaux émois, feints ou non d’ailleurs, ce qui permettait d’alimenter les ragots. Finalement, une Cour en remplaçait une autre. Sur la forme, elles se ressemblaient beaucoup. On réclama soudain le silence :
« Mesdames et messieurs, son Altesse royale, Gustav II fran Sverige ! »
Un énième murmure parcourut la foule dont l’attention était désormais centrée sur une seule et unique personne. Phèdre n’y faisait pas exception. De ce qu’elle put recueillir comme propos sur le Roi de la part de ses voisines un peu trop enthousiasmes pour leur âge, le souverain paraissait très apprécié de son peuple. D’un autre côté, comment le contraire pouvait-il être envisageable parmi toutes ces têtes acceptées au sein de la Cour ? Si complot il y avait, ce ne serait jamais sur le devant de la scène. Il n’empêche que la louve ne décela pas d’hypocrisie particulière dans les compliments que l’on enchaînait au sujet du Roi. Pensive, elle se surprit à imaginer que tous ces adjectifs élogieux murmurés sur son passage pouvaient se révéler vrais. A quoi se mesurait donc la noblesse d’âme d’un seul individu ? Qui sait quel masque il pouvait bien revêtir lorsqu’il se trouvait seul dans ses appartements privés ? Perdue dans ses pensées, la jeune femme ne réalisa pas immédiatement que la progression du Roi fendant la foule arriverait bientôt à sa hauteur. Elle se reprit de justesse mais au lieu de s’incliner comme le fit chacun des pairs du royaume, Phèdre se tint droite, observant tranquillement le souverain qui ne tarderait pas à se trouver à son niveau. Leurs regards se croiseraient-ils ? L’ignorerait-il simplement ? Du mouvement autour du Roi attira son attention et elle avisa la présence du capitaine de la garde aux côtés de son souverain. Etait-ce justement la présence de ce dernier qui l’avait ragaillardi ? Quoiqu’il en soit, l’homme parut avoir retrouvé sa confiance en lui et son autorité, si bien qu’il n’hésita pas à en user envers la jeune insoumise :
« Ma dame ! Vous vous trouvez en présence de sa Majesté ! Veuillez courber la tête devant votre Roi ! »
Ce fut à peine si elle tourna la tête dans sa direction. Ou plutôt, elle le fit avec tant de grâce que le mouvement en lui-même passa inaperçu. Cependant, quand elle prit la parole, c’était bel et bien au capitaine zélé que Phèdre s’adressait :
« Je n’ai qu’un seul Roi et il se trouve être en France actuellement. Sachez que je n’ai pas pour habitude de trahir la loyauté qui me lie à ce dernier. Et tout cela sans vouloir manquer de respect à sa Majesté ici présente. » conclut-elle d’une voix ferme sans en être pour autant hautaine ou agressive à l’encontre de ses interlocuteurs tout en reportant son attention sur Gustav.
| | InvitéInvité | Mer 6 Sep - 12:25 « Votre majesté, voici la liste des invités du bal de ce soir. Les invités ont été appelés à se présenter à partir de 17 heures au Palais. Les festivités, quant à elles, commenceront à partir de 20 heures. Avez-vous des recommandations particulières pour ce soir ? » Gustav regarda le premier majordome du Palais royal. Pas une fausse pliure sur son uniforme, les cheveux coiffés à la perfection, les chaussures pouvant presque refléter le plafond tant elles étaient cirées avec soin. Encore dans son lit, le roi venait tout juste d’émerger. À ses côtés, son adorable fille dormait encore. Ses boucles brunes noyaient son visage, alors que son petit corps était perdu entre les cousins et l’épaisse couche de couvertures. Elle fronça les sourcils avant de détendre son front. Quoi ? Elle voulait être la première à le réveiller ? À lui parler ? Elle voulait encore dormir ? Le roi sourit et prit délicatement la liasse de papier que lui tendait Aleks. Il posa un doigt sur ses lèvres et chuchota. « Je ne manquerais pas d’y jeter un œil et de vous dire, dans la mâtinée, si des changements sont à faire. » Le suédois décela une infime contraction sur le visage du majordome. « Cela sera fait avant 11 heures. Appelez Marie. Nous prendrons le petit déjeuner dehors, sur la terrasse aux roses. Vous pouvez disposer. » Sans demander son reste, l’homme se courba élégamment et sortit discrètement pour préparer les demandes de son roi. Une petite main attrapa sa chemise et Gustav tourna le visage vers l’unique personne qui se trouvait dans son lit. Dormant encore, la princesse cherchait à se prélasser encore un peu avec son père, dans le calme, sans garde et sans insectes leur courant autour. Il passa un bras autour de la tête de la petite et se mit à caresser doucement ses cheveux, profitant lui aussi d’un calme tout relatif avant le bal de ce soir. La liasse encore dans ses mains, il se mit à lire l’écriture impeccable qui détaillait avec une précision millimétrée quasi militaire, le déroulement idéal de l’anniversaire qui allait avoir lieu. Complètement absorbé par la liste, il ne sentit pas Elina bouger. Les yeux encore collés par le sommeil, elle laissa lourdement retomber sa tête sur le ventre de son père, tirant à celui-ci une grimace surprise. « Bonjour ma chérie. Tu as bien dormi? -Qu’est-ce Pappa? -Les documents pour le bal de ce soir. Il y a la liste des invités et le déroulement des festivités. » La demoiselle jeta un regard lent et déplaisant sur la liasse avant de déposer ses mains de chaque côté de sa tête. Lorsque son pappa parlait, il vibrait de l’intérieur et elle voulait encrer cette sensation dans son corps. -Et tu es obligé de le faire maintenant ? reprit-elle. -As-tu envie de faire râler Aleks ? Ce n’est pas très gentil. Il travaille beaucoup pour que ce soit parfait et faire honneur à notre dynastie. » Elle secoua négativement la tête après avoir considéré la position du majordome. Ils étaient là pour les servir, en quoi elle devait se soucier de leur bien-être ? S’ils n’étaient pas contents, ils pouvaient partir. La seule chose qu’elle voulait, c’était avoir son pappa pour elle toute seule. Tout le temps. Soucieux de ce qu’il se passait dans la petite tête de sa fille, Gustav déposa la liasse sur un petite table attenante à son lit et la prit dans ses bras. « Te rappelles-tu quel jour nous sommes, Elina ? -Oui. On fête le jour où ton pappa est allé sur le gros fauteuil de la salle en bas. » Gustav hocha doucement la tête, ravi de voir qu’elle s’en souvenait. « Mais pourquoi on le fête alors qu’il est plus là ? On devrait fêter le jour où tu t’es assis toi, non ? » Il haussa les sourcils de surprise. Ce qu’elle disait était pertinent et en même temps… Lui expliquer, à son âge, les raisons de cette fête allait être compliqué. « Je vois. Tu ne veux pas avoir une belle robe et danser avec moi ce soir… Ni même manger de délicieux gâteaux venus de France. Pappa est triste... » Gustav feignit une expression larmoyante, faisant même mine d’essuyer une larme qui perlait au coin de son œil. Cela suffit à Elina pour la faire gonfler ses joues. Elle plaqua ses mains sur celles de son père, lui donnant une bouche un cul de poule qui la fit rire. « Je n’ai pas dit ça ! Par contre… J’ai une nouvelle robe ?! -Je ne sais pas… Tu n’as pas été gentille avec mon pappa… -Oh ! Pardon pappa ! Ce n’était pas le but ! » Pour seule réponse, il l’enlaça à son tour pour un câlin improvisé et plein de rire, jusqu’à ce que Marie arrive.
Le reste de la journée fut, en somme, comme les autres. Comme promis, Gustav avait regardé attentivement la liasse pour le bal et n’avait rien à redire. Aleks faisait parfaitement son travail, c'était indéniable. Un nom avait cependant bien attiré son attention, mais il n’y prêta pas plus d’importance. Ce devait être une dame qui accompagnait une amie ou un amant. Une invitée de plus ou de moins n’était pas un problème compte tenu de l’opulence des mets qui allaient être servis. Dès la fin du déjeuner, Gustav régla quelques détails concernant le bal et s’éclipsa pour être préparer à son tour. Il était, après tout, le visage de la soirée. Il revêtit l’uniforme qui était de rigueur pour les évènements de cette ampleur. Un pantalon d’un blanc parfait doté d’un liseré or sur la couture extérieure, caressant ses jambes et épousant parfaitement ses hanches. Des bottes d’un noir profond. Et une veste bleue nuit sur laquelle ses décorations siégeaient sur son pectoral gauche, et où un cordon imitant la couleur or partait de son épaule droite jusqu’aux boutons de sa veste. S’admirant dans le miroir de sa chambre, il passa une main dans ses cheveux et se regarda dans les yeux. Il était le roi de Suède. Le seul. L’unique. Et cette soirée avait pour but de célébrer la prise du trône par son défunt père. Aleks arriva derrière lui pour passer autour de ses hanches l’épée royale, le fourreau reposant de son côté droit. « Permettez-moi de vous dire que vous êtes majestueux, mon Roi. » un léger sourire se dessina sur les lèvres du monarque. Oui, avec cette dernière touche, son costume d’apparat était parfait. « Bien. Il est l’heure majesté. Si vous voulez bien me suivre... » Gustav suivit le majordome jusqu’à la salle de réception où, de l’extérieur, il pouvait entendre les rires et les conversations de ses invités. Il rejoignit son jeune frère qui s’était porté volontaire -au prix d’un certain chantage par rapport à une jeune demoiselle qu’il voulait revoir-, à ses côtés, Elina était resplendissante dans sa robe d’un bleu pâle. Elle semblait prendre beaucoup de plaisir à accueillir les invités à côté de son oncle. N’échappant pas à la règle, le roi émit les remerciements de circonstances pour les derniers invités avant que le silence ne soit demandé dans la salle. Époussetant machinalement une de ses épaulettes, il se positionna dans l’encablure de la porte, tenant la main d’Elina sans sa main droite et ayant son jeune frère à sa gauche. Il partagea un regard entendu avec Aleks et il entra dans la salle.
Tout était lumineux. Les lustres et les chandeliers étaient chargés de leurs bougies, les flammes se reflétant dans les miroirs et dans les dorures du plafond. L’atmosphère avait cette particularité royale dans laquelle Gustav avait grandit. Son regard se posa alors sur ses invités qui se courbaient à son passage. Que de politesse sincère ou d’hypocrisie extrêmement bien dissimulée. Les salutations se faisaient discrètes parmi robes des femmes qui étaient aussi pâles que leur teint. Elles se ressemblaient toutes. Elles étaient aussi insipides les unes que les autres. Toutes ? Vraiment ? Une ombre vint se mouvoir dans son champ de vision. Il sentit Elina serrer sa main plus fort et se coller contre lui. Qu’avait-elle ? Le roi baissa les yeux pour voir ce qui lui arrivait. D’ordinaire elle pavanait à ses côtés en suivant le protocole de bienséance. Qu’est-ce qui avait pu, à ce point, captiver son regard et l’angoisser autant ? Gustav releva les yeux, regardant là où le propre regard de sa petite semblait s’être figé. C’est alors qu’il la vit. Droite, noire, mystérieuse. Parmi tous ces tons doux, une femme avait eu l’audace de venir habillée de vêtements sombres. Pire, un voile d’une couleur aussi profonde dissimulait son visage. Qui était-elle ? Il planta ses yeux dans ceux de la femme, caressant de son pouce la main moite d’Elina. Il entendit son frère grommeler avant que le capitaine de la garde du Palais n’agisse contre cette effrontée. Que cherchait-elle en venant vêtue de la sorte à une soirée où la bonne humeur était aussi invitée ? Un bref regard à Aleks lui confirma que ce n’était pas, mais alors pas du tout prévu dans son déroulement qui devait être « par-fait ». Le majordome était pâle et ne savait quoi dire. « Il suffit capitaine. Ce soir, cette dame c’est une invitée du château. Elle peut rester ici ce soir pour égayer ses journées de deuil. Aleks. Quel est le nom de madame ? » Le majordome sursauta et se mit à chercher frénétiquement le nom d’une personne aussi culottée. « Je connais son nom, votre Majesté. C’est la baronne d’Envernay. » dit de mauvaise grâce le capitaine. Lui non plus ne supportait pas que quelque chose d’impromptu se passe. Ce nom aux consonances françaises ne lui disait rien. Il se demandait même comme quelqu’un de nationalité française, autre que la famille royale, avait pu obtenir une invitation. Cependant, pour honorer quelqu’un du pays de son ami le plus proche, il inclina légèrement la tête avec un sourire poli. « Que Madame la baronne soit la bienvenue au Palais et qu’elle puisse trouver un peu de réconfort lors de notre soirée. J’ai bien cependant peur de ne pouvoir rivaliser avec les excès « À la française » ce soir. » il laissa échapper un rire discret, provoquant chez le prince de Suède un lever d’yeux au plafond. Il voulut reprendre sa route ; sa fille ne bougea malheureusement pas. Sans mot dire, il la souleva et la cala sur sa hanche, tournant son visage vers son oncle, bien moins effrayant. Un « Ooooh » charmé se distingua dans la foule et le trio royal se dirigea vers les trônes avec la même démarche lente et mesurée que lorsqu’ils étaient entrés. Une fois installés sur leurs trônes, Gustav se leva, une coupe de champagne dans la main. « Je tiens à vous remercier d’être présent pour ce nouvel évènement historique. L’affection que vous portez toujours à la Cour de Suède et à notre défunt père nous enchante. Au nom de la famille royale, je déclare cette nouvelle fête nationale ouverte ! » Un tonnerre d’applaudissement résonna dans la pièce et Gustav but une gorgée de son verre avant de se rasseoir. « Elina, qu’as-tu ? » dit-il en se penchant sur sa fille qui semblait s’être un peu calmée avec son jus de fruit. « La dame en noir me fait peur… Ça me rappelle de mauvaises choses... » Le roi ferma brièvement les yeux. Se pouvait-il qu’elle se rappelle du deuil après la mort de sa mère ? Ou bien était-ce à cause de son grand-père ? Gustav ne savait que dire. « Tu sais, si la dame s’est habillée ainsi, c’est parce qu’elle est triste. Quelqu’un à qui elle tenait est parti loin d’elle. C’est pour ça qu’elle est habillée ainsi. - Mais on dirait la Mort... » | | Phèdre L. D'Envernay♕ • Mordue • ♕ Messages : 12
Mémoire de vieRace: MorduMétier/Rang: BaronneStatut amoureux: Célibataire | Jeu 7 Sep - 17:56 En dépit de sa réplique un tantinet ferme adressée à l’intention du capitaine de la garde dans le – seul ? – but de lui passer l’envie une bonne fois pour toutes de contester sa présence au palais, la louve vit du coin de l’œil ce dernier ouvrir de nouveau la bouche, probablement pour tenter de reprendre du terrain lors de cette petite joute verbale sans réelle importance. Cela exaspéra Phèdre, qui cherchait déjà les mots appropriés pour lui imposer le silence. Comme pour répondre à son appel silencieux, ce fut le Roi en personne qui les interrompit, lui coupant l’herbe sous le pied. Effectivement, cela valait mieux que sa Majesté intervienne en personne pour imposer un cessez-le-feu. Sinon, la baronne risquait de se faire remarquer un peu plus encore. A l’abri derrière son voile masque la direction que prenait son regard, la jeune femme reporta entièrement son attention sur le monarque. Une certaine autorité émanait de lui mais sans qu’il n’en fasse un mauvais usage, comme c’était actuellement le cas pour le capitaine de sa garde. Un bon point pour lui. Quel dommage que l’insecte précédemment mentionné continuait à la ramener, se permettant même d’annoncer son nom à sa place. Phèdre prit sur elle pour tenir en échec son agacement vis-à-vis de l’homme. La voix du Roi ne tarda pas à s’élever de nouveau et la louve eut malgré elle, un sourire amusé.
« Que sa Majesté se rassure, je ne recherche pas l’excès ce soir. La tradition suédoise me convient parfaitement. »
Le timbre de sa voix s’était considérablement réchauffé, comme pour remercier à demi-mots le monarque pour la gentillesse dont il avait fait preuve à son égard. En guise de conclusion, Phèdre s’autorisa même une légère inclinaison de la tête, comme pour répondre à celle de son interlocuteur quelques instants auparavant. La baronne s’effaça alors pour leur permettre de reprendre leur lente progression à travers l’immense pièce quand son regard se posa soudain sur la petite silhouette qui se trouvait aux côtés du Roi. Une petite fille. Elle se raidit. Quel âge pouvait-elle avoir ? 5 ans ? Avant qu’elle ne le réalise, sa respiration s’était bloquée. Les battements dans sa poitrine s’accélèrent. Un bourdonnement sourd vibrait dans ses oreilles. Un souvenir lui passa devant les yeux. Elle se revit, droite et immobile en dépit de sa petite taille, fixant un point devant elle. L’odeur de chairs brûlées couvrait tout, s’infiltrant en elle par les narines et chacun des pores de sa peau. Dire qu’elle pourrait être cette petite fille. Qu’aurait-elle pensé en découvrant une inconnue aux côtés de son père ? Aurait-elle été intimidée au premier abord avant de se réjouir en se voyant ainsi offrir une seconde présence maternelle ? Ou au contraire, aurait-elle vu d’un mauvais œil le rapprochement entre son père, dernier parent survivant et cette créature, tentatrice dont elle ne savait rien ? Aurait-elle seulement vu venir le danger avant qu’il ne soit trop tard ? Qu’allait advenir de cette petite une fois qu’elle en aurait fini avec son père ? Son rythme cardiaque redoubla d’intensité. Combien d’autres petites filles avaient-elles vu leurs rêves se briser et leurs espoirs s’envoler ? Serait-elle toujours capable d’aller au bout de ses projets en connaissance de cause ? Tue la. Pouvait-elle infliger la même chose à cette innocente ? …Planter les crocs sans sa chair tendre… Etait-il encore temps de renoncer pour un petit minois comme le sien ? ARRACHE LUI LA PEAU ! Après tout, elle avait été capable de surmonter sa peine, pourquoi cette gamine n’en ferait-elle pas autant ? Ne s’était-elle pas élevée plus tôt que la plupart des créatures de sexe féminin grâce aux épreuves que la vie lui avait cruellement infligée ? Oui, c’était donc cela, elle n’avait pas besoin de s’en soucier.
Les ténèbres recouvrirent son champ de vision, déjà restreint par le voile qu’elle portait. Quand elle rouvrit les yeux, Phèdre constata sans surprise que le cortège royal avait repris sa progression. Par chance, la petite fille ne se trouvait plus devant elle. Combien de temps était-elle demeurée dans cet état ? Avait-on remarqué son trouble ? Son corps l’aurait-elle trahi ? Discrètement, la louve s’autorisa quelques regards en biais. La chance était décidément de son côté : pour avoir pris sa fille dans ses bras, Gustav avait attiré sur lui toute l’attention dont il était déjà le centre, si bien que plus personne n’avait son regard rivé sur la jeune femme. En revanche, elle perçut très distinctement les battements de son cœur, devenus douloureux à force de battre aussi vite et fort dans le creux de sa poitrine. Phèdre inspira et expira longuement, histoire de se calmer. Pour l’avoir entendu dans sa tête, elle avait été proche de perdre le contrôle. Ses seules ennemies étaient ses émotions. Elle devait apprendre à les dominer, au risque de se laisser emporter dans un tourbillon de regrets et de rage. A peine cette pensée eut-elle traversé son esprit qu’un majordome apparaissait dans son champ de vision, lui arrachant un sursaut de surprise. L’homme lui présentait poliment un plateau sur lequel se trouvait un nombre impressionnant de coupes, toutes remplies de cet étrange liquide doré, à tel point que Phèdre eut une seconde d’admiration pour l’individu qui les transportait ainsi, sans jamais en faire tomber ne serait-ce qu’une goutte de champagne. La jeune femme se saisit rapidement d’une coupe tandis que l’importun s’éloignait enfin. Il était temps. Déjà, le Roi prenait la parole, prononçant les mots que tous ici attendaient pour que les festivités commencent. Bien que personne en particulier ne lui répondit sur l’instant, plusieurs voix s’élevèrent pour rendre hommage tant au précédent roi qu’à l’actuel dirigeant. Ce dernier était visiblement plus qu’apprécié parmi ses sujets.
A la manière d’un salon parisien, une douce et discrète musique d’intérieure ne tarda pas à se répandre dans la salle, gratifiant les oreilles des convives de chacune de ses notes délicates. Quel dommage que les cercles se reformèrent eux aussi et, l’alcool aidant, les langues ne tardèrent pas à se délier, proférant coup sur coup compliments et commérages. Seules ombres mobiles dans la pièce, les domestiques allaient et venaient entre les invités, proposant tour à tour de nouvelles coupes de champagne ou bien des gourmandises salées. Voici venir la partie la plus ennuyeuse de la fête. La baronne observait tout ce petit monde évoluer d’une manière si calculée qu’elle saurait en devenir insipide. L’observation était l’un de ses talents mais Phèdre trouvait bien plus amusant de prendre part activement aux conversations sous couvert de modestie pour obtenir les informations qu’elle désirait. Or, elle doutait de se voir admise dans l’un ou l’autre des cercles de ces dames et même si elle imaginait avoir un peu plus de chance auprès de ces messieurs pour en apprendre davantage sur la vie à la Cour de Suède, elle préféra renoncer pour le moment. Avisant une haute fenêtre ouverte donnant sur un balcon, la louve s’y dirigea. L’air frais lui fouetta le visage mais lui fit plus de bien qu’elle ne l’aurait cru. Le froid pouvait en gêner beaucoup mais quoiqu’on en dise, on le tolérait assez bien avec une gorgée de champagne de temps à autre, laquelle avait la vertu de réchauffer la gorge, une sensation qui se transmettait rapidement au reste du corps, donnant l’illusion que le froid ne pouvait plus vous attendre. Phèdre se détendit alors. S’être souvenue de sa mère dans une situation pareille l’avait plus perturbée qu’elle ne voulait bien l’admettre. Cependant, elle ne devait pas perdre ses objectifs de vue. Cet instant de solitude fut apprécié à sa juste valeur.
Pourtant, un changement dans la mélodie diffusée à l’intérieur, l’avertit que le bal allait être inauguré sous peu. Une moue vint enlaidir momentanément son visage derrière le voile avant qu’elle ne finisse sa coupe. Elle avait vu juste : lorsqu’elle revint dans la salle, les musiciens s’affairaient dans leur coin, preuve étant que quelque chose se tramait. En habituée de la Cour qu’elle était, la louve n’eut aucun mal à le comprendre. Son regard balaya la foule de convives avant de se poser sur le trône, presque machinalement compte tenu de l’attention qu’on portait dans cette direction. En dépit des paroles prononcées un peu plus tôt, la figure de la soirée paraissait ne pas s’amuser autant que convenu. Etait-ce l’amertume de célébrer le souvenir d’un mort ? De surcroît, un proche ? A moins que la lassitude de se trouver en permanence au cœur de l’attention d’une Cour que l’on devinait sans peine hypocrite sous bien des aspects, ne refasse son apparition dans les traits du souverain ? D’un geste gracieux, elle reposa sa coupe sur le plateau que tenait un domestique passant près d’elle sans ralentir l’allure puis la baronne prit aussitôt la direction du trône sur sa droite. Sa décision était prise et que le Diable l’emporte si cela ne plaisait pas. Tout comme en France, la coutume voulait certainement que ce soit le Roi lui-même qui ouvre le bal ou à défaut, un membre de la famille royale. Sa fille était trop jeune pour danser ainsi en public quant au prince héritier… Sans doute en était-il capable mais le voudrait-il seulement ? Ses pas la conduisirent jusque devant le Roi. Bien que les gardes ne le perdaient jamais totalement de vue, les invités pouvaient l’approcher au plus près pour lui adresser leurs salutations les plus honorées. En revanche, les intentions de la louve étaient d’un tout autre genre.
« De vous à moi, il me semble que toute la musique et le champagne du monde ne sauraient complètement éloigner la mélancolie dont nous sommes frappés. Vous faites un hôte fort généreux envers vos invités votre Altesse, n’en doutez pas mais permettez-moi donc, dans la mesure du possible, d’égayer votre soirée le temps de quelques notes. M’accorderez-vous cette danse Majesté ? » proposa-t-elle en offrant une main, paume ouverte, en direction de son interlocuteur.
| | InvitéInvité | Dim 10 Sep - 21:02 Ne pas dévoiler son visage aurait pu agacer plus d’un roi. Voir même lui accuser un jugement expéditif et l’échafaud. Nombre de têtes couronnées ne supportait pas les rebelles dans leurs Cours, quand bien même c’était des femmes en deuil. Et pourtant, Gustav n’y prêta pas plus d’attention… Tout du moins en apparence. Le regard droit et avisé, il avait, derrière son sourire, tenté d’en savoir un peu plus sur cette dame. Son nom lui était totalement inconnu ; la faute peut être à toutes ces familles qui essayent sans relâche de s’attirer un peu de sa faveur. D’ailleurs, si ce nom ne lui était pas familier, lui qui avait une bonne mémoire, comment avait-elle pu entrer à cette soirée ? Était-ce à cause de son regard sensuel dissimulé derrière son voile ou bien avait-elle payé un de ses invités pour la laisser entrer ? Le capitaine était clairement hors de cause tant l’agacement s’entendait dans sa voix et le dédain se lisait dans ses yeux. Aleks aussi était sensiblement à mettre hors de cause… Il ne cessait d’éplucher ses notes pour vérifier l’identité de Phèdre, les mains tremblantes légèrement. Son frère était naturellement hors de cause. Il se pliait avec rigueur au protocole et, il le savait, ne jouerait pas à ce genre de jeu avec son aîné. La curiosité s’installa derrière son masque bienveillant alors qu’il prenait la défense de la jeune femme. Il n’avait rien à perdre pour le moment. Au contraire, il était assez curieux de voir comment son invitée allait mener sa soirée. C’était une soirée qui s’annonçait joyeuse et prometteuse en tout point… À un détail près : sa fille. Elina, bien qu’ayant eu le privilège de finir la traversée de la salle dans les bras de son père, ne semblait pas s’être calmée. Phèdre l’avait visiblement chamboulée, et il pouvait voir que le regard clair de la petite cherchait désespérément l’ombre noir qui s’était invité chez eux. Elle ne pouvait s’ôter de la tête que cette personne était affiliée à la mort, si ce n’est la Mort elle-même et Gustav ne pouvait aller contre son raisonnement. Elle ne pouvait associer les robes noires, les voiles abaissés sur les visages et les paroles lasses aux êtres chers qu’elle avait perdu. Même si elle était encore un enfant lorsqu’elle avait perdue sa mère, Elina devait encore en ressentir les sensations. Le roi en était persuadé : son incommensurable désespoir et sa colère immense, le chagrin de son oncle Viktor, le soutient moral de Charles, et la peine profonde de tout un pays pour sa reine. La perte de ses grands-parents à ses trois ans, emportés dans leur sommeil une nuit de septembre. Le cérémonial avait été grandiose, tout le peuple s’était rassemblé dans le palais et Stockholm avait revêtu sa parure mortuaire. Un temps bien sombre pour le petit rayon de soleil qu’elle représentait. « Mais on dirait la Mort... » Que répondre à cela ? Il jeta un regard bref à son cadet qui semblait aussi soucieux que lui. Il appréciait beaucoup sa nièce, même s’il pensait qu’elle était un peu trop gâtée par son frère. « Hey… Elina… Regarde-moi. Je suis là pour te protéger, d’accord ? Et si je ne peux pas être à côté de toi, ton oncle Viktor sera là pour te défendre. On dirait pas comme ça, mais il est fort~ » Il accompagna sa taquinerie d’un clin d’œil à sa fille. « Je t’ai entendu, Gustav. Ce n’était pas gentil. Je suis sûr que je peux te battre à l’escrime. – Ah oui ? Je n’en suis pas si sûr, cher frère. Que dirais-tu d’un duel demain à 15 heures ? Cela fait longtemps que je n’ai pas pratiqué… Tu as peut-être une chance~ – HA ! J’accepte ton défi. Mais ne viens pas me voir en geignant lorsque j’aurais gagné. Viktor était manifestement plus que partant pour défier celui pour qui il vouait un respect sans nom. – Attention à tes paroles… J’ai plutôt l’impression d’entendre ta future réaction. dit-il en regardant du coin de l’œil son frère, un sourire aux lèvres. Le rire soudain de la princesse les fit sourire de plus belle. Le moral était revenu sur les trois trônes de la salle de bal. « Eh bien, mademoiselle, sur qui pariez-vous votre collation de l’après-midi? – Oh je dois choisir quelqu’un ? Dans ce cas je choisis… Pappa! – Quoi ?! Tu ne vas même pas me soutenir ? Tu penses que je n’ai aucune chance, c’est ça ? Petite coquine… ! » Elina rit de plus belle.
D’entendre cette joie si ouvertement exprimée faisait tourner les têtes. Les expressions sur les visages des nobles de la cour étaient partagées entre celles des femmes qui fondaient de ravissement tant la scène était charmante, et celles des hommes plus dures ; certains essayaient de cacher leur joie, d’autres leur agacement. Le roi de Suède ne devait pas s’abaisser à un tel comportement. Et où était donc la gouvernante de cette petite ? Et pourquoi n’était-elle pas là ?! Gustav ignorait allègrement les gens qui les regardait. Son bonheur passait pas celui de sa petite perle. La musique était douce et délicate. Elle mettait une ambiance joyeuse pour un jour comme celui-ci, laissant les invités aller et venir au buffet, ou bien venir payer leur respect au roi en personne. Chacune des personnes qui venait jusqu’aux trônes étaient annoncées par Aleks – qui avait reprit un peu de prestance après un sourire rassurant de son monarque – et était reçues par Gustav avec la même chaleur et la même amitié. Il ne cessait de trouver le compliment adéquat pour la dame qui accompagnait son seigneur, ou bien le mot qui entretenait la confiance entre les nobles et la Cour. Sans effort et avec une sincérité parfois feinte, il exprimait différemment son affection envers ses sujets. Bien évidemment, quelques pères venaient avec leurs filles pour les présenter au Roi en quête d’un remariage, ce que Gustav déclinait poliment et habilement en redirigeant les intérêts de ces riches familles vers Viktor, même si celui-ci était promis à une autre demoiselle. D’autres venaient avec leurs jeunes fils, suggérant à Elina l’importance de quelqu’un de son âge sur qui elle pourrait compter jusqu’à ses vieux jours. Même si le suédois pouvait voir que cela l’agaçait – « Je veux me marier avec toi plus tard, pappa ! » lui avait-elle dit un jour – il pouvait juger de sa maturité. Sans crier ou s’offenser, elle remerciait le noble en lui disant qu’elle réfléchirait, et que pour l’instant, elle se consacrait entièrement à l’étude de la géographie, ce qui ne manquait pas de les surprendre.
Cela dura jusqu’à ce que l’ombre noire de Phèdre ne revienne danser devant eux. Soucieux pour la gaieté de sa petite, il demanda à Marie, sa gouvernante, de l’amener vers le buffet. La demoiselle partie en bonne compagnie et sous bonne escorte, Gustav eut le cœur plus léger de rencontrer celle qui avait eu l’audace de venir ici, habillée de sa robe la plus noire. Le capitaine, lorsqu’il la vit, fronça les sourcils et serra un peu plus sa lance. Comment osait-elle venir de nouveau près du roi ?! Quelles étaient ses intentions ?! Aleks, lui, se raidit et l’annonça avec plus de dureté que ce dont il avait l’habitude. Si le monarque suédois trouva ces comportements justifiés et assez divertissant, tous partagèrent le même air surpris lorsqu’ils entendirent la proposition de la baronne . Le majordome se mit à rire nerveusement, le prince s’était crispé de tant d’affront et le capitaine avait les yeux aussi écarquillés qu’un poisson. Gustav, en revanche, se reprit et sourit poliment. « Voyons, Madame, ce n’est pas à vous d’inviter un homme ! Qui plus est le Roi ! » Viktor ne semblait se décider entre crier son étonnement et murmurer celui-ci pour ne pas faire perdre la face à son frère aîné. Le Roi, lui, la toisait. À travers son voile ébène, il avait réussi à trouver ses yeux, et s’était plongé dans l’esquisse de regard. Était-elle aussi dangereuse que le pensait son capitaine ? En tout cas, elle avait suffisamment de culot pour venir le chercher devant tout le monde. La main tendue, elle montrait clairement ce qu’elle voulait : lui. Il lui restait deux choix : refuser et risquer des représailles de la part de sa famille ainsi que le mépris de ses sujets féminins, ou bien accepter et briser quelques-unes de ses barrières. Il n’avait pas ouvert un bal depuis que son épouse était décédée. Non pas par respect, mais parce que ses sentiments pour Ellen étaient profonds et que, après tout, ils s’étaient connus ainsi, à travers un bal organisé par le Palais Royal. Il avisa la main quelques secondes ; la musique était plus présente que jamais à ses oreilles. La salle de bal n’était plus que murmures et regards tournés vers eux. Claquant les talons de ses bottes contre celles-ci, il leva légèrement la tête et descendit les quelques marches en haut desquels il se trouvait, ignorant la main proposée par Phèdre. Arrivé en bas, il se tourna, pencha son buste et tendit sa propre main en plongeant de nouveau ses yeux dans ceux de la courageuse baronne. « Permettez-moi plutôt de vous demander votre main pour cette danse, baronne. Voix chaude et bienveillante, il ne put lire les expressions de son visage alors qu’elle le rejoignait en bas des marches, glissant sa main dans la sienne. La foule se fendit en deux, les laissant passer jusqu’au centre de la pièce. « Vous savez, madame, il serait plus agréable pour nous deux de danser avec votre visage découvert. Non pas que je ne respecte pas votre deuil. » Les musiciens s’étaient arrêtés de jouer, laissant le temps à leur monarque de s’installer avec sa partenaire de danse. Contrairement à sa demande, celle-ci ne sembla pas vouloir découvrir sa tête. Est-ce que la diplomatie n’était pas une bonne chose pour qu’il arrive à ses fins et qu’il voit enfin la couleur de ses yeux ? « Pardonnez ma question, mais avez-vous le visage si peu présentable que vous ne puissiez accéder à l’aspect pratique et esthétique d’une danse? dit-il en posant une main sur son omoplate et découvrant par la même occasion une partie de son dos nu. Ses doigts effleurèrent sa peau qui était aussi douce que celle de sa fille. Étonnant de choisir une telle tenue lorsque l’on portait le deuil… Il leva leurs bras, signal que la musique pouvait commencer. Dès les premières notes, il reconnut la traditionnelle valse viennoise qui ouvrait traditionnelle les soirées royales. Se redresse, il commença à mener la danse, d’abord sur un rythme lent, le temps de jauger sa partenaire d’un soir. Lorsqu’il fut plus assuré de son corps et de sa façon de se mouvoir, Gustav augmenta légèrement la cadence, maîtrisant à la perfection la direction du corps que pouvait prendre celle au nom de famille aux accents français. « Alors dites-moi, madame la baronne, qu’est-ce qui vous amènes de France ? » demanda-t-il alors que sur leur passage, les convives buvaient leurs pas tant ils étaient fluides et naturels. | | Phèdre L. D'Envernay♕ • Mordue • ♕ Messages : 12
Mémoire de vieRace: MorduMétier/Rang: BaronneStatut amoureux: Célibataire | Jeu 14 Sep - 17:56 A quoi s’attendait-elle au juste ? Que le Roi accepte poliment sa requête et ce, sans broncher devant l’audace dont la baronne faisait preuve envers ce dernier devant foule de témoins. Peut-être était-ce simplement le fait que son acte soit observé par nombre de personnalités influentes à la Cour suédoise et par conséquent, quelle serait l’attitude de leur souverain, qui embarrassait tellement le prince héritier d’après ce qu’elle pouvait en voir ? De toute façon, l’intérêt qu’elle lui portait s’élevait à peine plus haut que ceux destinés aux deux autres personnes qui encadraient presque jalousement le Roi, à savoir, le majordome nerveux et le capitaine aux yeux de poisson. Pour parvenir à ses fins, Phèdre gardait à l’esprit qu’elle ne pourrait pas toujours s’entourer d’alliés, malgré la nécessité qui était la sienne, ses manières risquaient bel et bien d’en agacer plus d’un, à commencer par l’entourage direct du souverain qui ne paraissait visiblement pas apprécier sa petite manœuvre, en apparence innocente. Avait-elle seulement le choix ? Et bien, oui. Mais était-elle femme à renoncer devant les risques encourus ? La réponse était clairement à l’opposé de la première. Ici en Suède, elle se savait en terrain défavorable puisqu’étant arrivée comme étrangère sans relations particulières hormis ce pied-à-terre acquis un peu par hasard des dizaines d’années auparavant. Qu’avait-elle à perdre en se faisant remarquer de la sorte ? Rien comparé à ce qu’elle avait laissé derrière elle dans les salons parisiens. Ici, elle n’avait aucun allié et aucunement l’opportunité de s’en faire au cours des prochains mois. Le temps ne jouait plus contre elle depuis ce fameux soir où elle avait embrassé indissociablement la folie et la puissance. Malgré tout, la louve ignorait combien de temps le mensonge du malheureux accident de son protecteur tiendrait et quand exactement serait-elle démasquée. Elle doutait que D’Aspremont soit – était – le seul être de sa condition si particulière à demeurer dans l’entourage des Rois de France. Peut-être que certains de ses amis les plus proches étaient déjà sur sa piste. S’il lui fallait trouver un refuge, ce serait uniquement auprès de Gustav II Fran Sverige. Et puis où était l’affront dont tous ici semblaient prompts à l’accuser dans le simple fait d’inviter quelqu’un à danser ?
« Vous avez parfaitement raison Prince Viktor. Peut-être que la bienséance me recommandait de vous inviter vous. »
A ses yeux, le prince héritier n’avait effectivement rien du profil d’un homme. Même son ton indigné suite à sa proposition paraissait frôler le ridicule aux oreilles de la louve. Toutefois, si elle veilla à insister légèrement sur le dernier mot de sa tirade, Phèdre s’assura de ne pas se montrer plus insolente que sa position de baronne et ses tournures de phrases polies le lui permettaient. Lorsque son regard se posa de nouveau sur le visage de la figure principale de ce bal, la jeune femme fut surprise d’y découvrir un sourire. Cela aurait été de la prétention d’affirmer qu’elle connaissait par avance quelle serait la réaction du Roi. A vrai dire, si elle imaginait bien qu’il puisse accepter devant autant de témoins, la louve s’attendait à ce que l’objet de ses manigances lui témoigne un peu moins de sympathie, bien au contraire. A bien des niveaux, Gustav était en mesure de la faire arrêter et même exécuter une fois qu’il aurait percé à jour son petit secret qui l’avait conduit droit jusqu’en ce pays inconnu. Méfiante pour le coup, Phèdre suivit du regard le Roi qui la dépassait, la propulsant subitement en hauteur. Quel homme accepterait ainsi de se placer en retrait vis-à-vis d’une femme ? Même s’il possédait un certain don pour retourner la situation à son avantage, la louve ne put s’empêcher de sourire devant son attitude. Un personnage vraiment très intriguant que le Roi de Suède.
« Sa Majesté connaît déjà mon avis sur la question. » commença-t-elle sur un ton à peine malicieux avant d’ajouter, cette fois d’une voix toute aussi chaleureuse que celle de Gustav, où perçait en plus une légère note de soulagement. « Avec plaisir. »
Ses doigts vinrent effleurer la paume offerte de son interlocuteur, comme pour en tâter le terrain avant que la pression ne se fasse progressivement à mesure que sa main s’abandonnait au creux de celle de son partenaire. La remarque du monarque suscita un mouvement de voile, non pas horizontal comme ce dernier l’aurait souhaité, tandis que Phèdre tournait imperspectiblement la tête dans sa direction.
« Il est vrai votre Majesté que porter le voile n’est en rien pratique je le conçois tout à fait. Vous comme moi savons cependant que ce n’est que très rarement par plaisir que nous en arrivons à de telles extrémités disons, esthétiques. Aussi, je vous serai gré de bien vouloir respecter mon choix votre Majesté. Quant à mon visage, je serai bien en peine de vous le décrire de manière objective. Dans un cas, je passerai pour prétentieuse d’en vanter la beauté, dans l’autre, on m’accuserait de fausse modestie à l’encontre de ma propre personne. Le mieux est encore que vous vous en fassiez une idée le moment venu votre Majesté. »
Dans l’instant unique précédant l’élaboration des premières notes, celui-là même semblable à un battement de cœur au cours duquel le corps se prépare à se mettre en mouvement, ils se firent face. Fiers à leur façon. Contrairement à l’inquiétude qu’aurait pu avoir le monarque concernant les pas de danse de sa partenaire, Phèdre s’accorda parfaitement sur les siens, lui laissant volontiers guider leur singulier et éphémère corps-à-corps qu’incarnait cette danse. Ce n’était un secret pour personne, son Altesse savait danser. Et la louve dut reconnaître que cette maîtrise parfaite et sereine de chacun des pas ainsi que leurs enchaînements était particulièrement agréable, certainement plus en tout cas que se sentir obligée de devoir esquisser un sourire poli chaque fois que son partenaire masculin venait malencontreusement vous marcher sur le pied.
« Un entourage avisé m’aura préconisé de m’éloigner quelques temps pour prendre du repos. C’était sans imaginer que mon arrivée en Suède coïnciderait avec le bal donné en l’honneur de feu votre père. A ce sujet, je vous prierai d’accepter mes excuses pour me présenter ainsi devant vous, ce n’était pas dans mes intentions d’offrir ma peine à la vue de tous en ces murs mais j’ai pensé qu’il serait encore plus déplacé de ma part d’afficher mon absence en déclinant la possibilité de venir présenter mes hommages à sa Majesté. J’espère par ailleurs ne pas avoir offensé par mes propos. De son vivant, mon ami a toujours souhaité que j’exprime le fond de ma pensée mais il me faut désormais apprendre à tenir ma langue comme on l’exige d’une femme en société n’est-ce pas ? » conclut-elle avec une tristesse parfaitement incorporée dans le timbre de sa voix.
S’écoulant pareilles à une cascade de sonorités toutes différentes, les notes s’enchaînaient les unes après les autres, s’emmêlant parfois les unes dans les autres au gré du rythme de la musique, superposé à celui des pas des danseurs. La coutume voulait que le Roi en personne ait l’honneur d’inaugurer le bal en formant la première paire à s’animer sur le parquet de l’immense salle de conférences. Voilà pourquoi le duo monopolisait l’attention générale. Ce ne serait qu’une fois la partition touchant à sa fin, marquant ainsi l’immobilisation progressive des danseurs, que les premières paires se constitueraient parmi le reste des invités tandis que les musiciens se mettraient en quête de leur prochaine partition à jouer. De bout en blanc, elle demanda alors :
« Pourquoi avoir accepté de danser avec moi Sir ? D'après ce que m'ont appris les réactions hostiles qui ont suivi mon humble proposition, il aurait été tout à fait légitime que vous décliniez celle-ci. »
Réellement intriguée par ce que pourrait être la réponse du souverain, Phèdre se désintéressa complètement des regards qui s'attardaient sur eux dansant toujours. Doucement, les dernières notes moururent dans l’air alors que les danseurs venaient reprendre leur position initiale, se faisant face dans un silence gagnant peu à peu la salle toute entière.
« Ce fut fort plaisant de danser avec vous Majesté. J’ose espérer que ma requête ne vous a pas paru déplacée et qu’elle a su égayer votre soirée comme cela fut le cas pour moi. Permettez-moi dès à présent de prendre congé, je pense que votre fille se languit de vous et ne me pardonnerait pas de vous retenir plus longtemps. Majesté. »
Un discret signe de tête vint ponctuer les politesses d’usage au moment de se séparer tel que c’était le cas dans ce type de milieux plus qu’aisés. En son for intérieur, Phèdre était plus que satisfaite de cette soirée. Elle était parvenue à se faire remarquer et pas de n’importe qui. La baronne n’avait plus de raison de s’afficher davantage au cours de cette soirée. Toutefois, elle ne comptait pas refuser une entrevue ou même une danse avec un partenaire différent du premier. Quitte à susciter la jalousie de ses pairs féminines, la baronne ne pouvait se le permettre envers la gente masculine, plus encline à céder à ses charmes pour lui offrir de nouvelles prises au sein de cette Cour suédoise.
| | InvitéInvité | Dim 26 Nov - 17:27 Il était clair que la belle brune était l’objet de tensions sur l’estrade royale. Si Gustav était silencieux, essayant de deviner une quelconque expression derrière son voile noir ou un trémolo dans sa voix. Elle ne laissait rien transpirer et cela le faisait sourire. Le Roi avait, en effet, les lèvres légèrement tirées alors qu’il continuait son enquête visuelle. Parler ? Très peu pour lui, son cadet et son garde le faisait très bien à sa place. En plus d’avoir une maîtrise parfaite de son corps, Phèdre avait été graciée d’un sens de l’humour qui fit rougir le prince de honte et de colère, là où son propre sourire se fit plus franc. Rare étaient les personnes qui osaient ce genre de familiarités avec la famille royale. Gustav s’enfonça un peu plus dans son fauteuil et entremêla ses doigts fins sur son ventre. « Je ne vous permets pas, Madame. N’avez-vous jamais donc appris en France que ce sont les hommes qui invitent les femmes ? » Viktor s’était à moitié levé. Il ne voulait pas se démonter face à son frère et aux quelques invités qui s’étaient rapprochés par pure curiosité. « À moins que tout ceci ne soit qu’une mascarade. Nous avons ici les mêmes principes que dans les autres royaumes, et l’un d’eux est de ne venir se présenter à la famille royale que lorsque l’on en est invité. Vous avez beaucoup d’audace, Madame, je peux au moins vous concéder cela. Mais il ne faudrait pas pousser votre bonne étoile plus qu’il ne le faudrait. » Fier de sa répartie, Viktor regarda du coin de l’œil son aîné et masqua sa déception. Le suédois avait toujours les yeux rivés sur Phèdre, plus luisant de curiosité que jamais. La dernière fois qu’il l’avait vu ainsi, c’était lorsqu’il avait rencontré sa défunte épouse Elen. « Sa Majesté à raison, Madame. Laissez-moi vous raccom- » le responsable de leur garde avait commencé à s’avancer vers Phèdre, satisfait d’avoir le soutient de sa jeune majesté. Enfin quelqu’un de raisonné et de raisonnable ! Il admirait son roi, mais ce dernier pouvait se montrer moins soucieux de sa sécurité. Il pouvait comprendre que le Roi excellait dans les arts militaires mais tout de même ! Il préférait donner sa vie pour son souverain plutôt que de le voir mourir devant ses yeux. Mais Gustav voyait les choses différemment et il s’était levé, avec la lenteur de son rang. La belle en deuil l’avait suffisamment séduit pour qu’il accède à sa requête. Puis peut-être également parce qu’elle l’intriguait. La noble était mystérieuse et enchanteresse. Il avait envie d’échanger plus qu’une danse avec elle, peut être quelques mots si elle le voulait bien. « Certes, mais vous savez à quel point il est de rigueur que de coller à l’étiquette aristocratique. Cela fait bien pour les uns et cela comble les autres. » répondit-il chaleureusement de façon à ce qu’elle soit la seule à l’entendre. Il fut bêtement satisfait lorsque sa main fine se glissa dans la sienne, provoquant un silence surprit de la part de ses convives. Il était extrêmement rare que sa Majesté se laisse aller à une danse avec une de ses invitées.
Gustav ignorait les regards torves et les murmures curieux pour refermer la bulle sur leurs deux corps. En cet instant précis, seul ce moment entre la baronne et lui était important pour sa personne. Le voile. Voilà toute la majeure raison des regards outrés posés sur Phèdre. Même si elle avait une bonne raison, que le suédois ne pouvait que comprendre, les autres membres de la Cour n’allaient pas se montrer aussi complaisant que lui. Être en deuil et avoir la tête couverte était une chose… Venir à un bal organisé par la Cour voilée était inadmissible pour certaines grandes familles qui se sentait aussi agressées qu’une partie du personnel du palais. Droit, imposant silence et prestance, Gustav guida sa partenaire de danse au milieu du parquet de danse, faisant brièvement voleter le bas de sa robe. « N’ayez crainte, Madame. Je ne peux respecter votre deuil. Nul n’ignore le décès de la reine Elen. Pas même sur le continent, j’en ai bien peur... » dit-il en se mettant en position pour la danse suivante. Un voile de tristesse s’abaissa sur son visage, malgré son sourire de politesse. « En ce cas, j’espère que lorsque vous serez prête à quitter ce voile de peine, vous m’en ferez part. J’aspire à ce que votre audace et votre verve soit aussi élégant que les traits qui composent votre visage. » Un signe de tête au chef d’orchestre, les premières notes commencèrent et le roi commença à se mouvoir, guidant avec aisance la baronne. Leurs corps étaient à distance respectable, et pourtant, semblaient se confondre. Deux raisons possibles à cela : soit ils étaient physiquement compatibles où bien Phèdre était une excellente danseuse. Gustav opta pour la seconde raison, encore bien trop fidèle à sa défunte épouse. Il en profita d’ailleurs pour la questionner plus en détail sur sa venue dans son beau pays. Son visage garda une expression neutre, ses yeux cherchant à capter un regard quelconque, comme si derrière ce voile il pouvait parfaitement en détailler la couleur et l’ouverture de son iris. « Je ne sais pas si vous réussirez à trouver du repos. Pas avec votre entrée fracassante ceci dit. Il se peut que quelques-unes des familles les plus vieilles de Suède vienne vous voir avec insistance. » Il se tut le temps de passer devant l’orchestre, avant de reprendre. La baronne respectait son rang et il ne pouvait que la pardonner à moitié. Les formes étaient là mais manquaient de tact à ses yeux. « Disons que pour cette fois, je peux vous le pardonner. Mais comprenez, Madame, que ce n’est pas dans nos mœurs que de venir ainsi. Nous autres suédois somme un peuple ouvert et tolérant, cependant dans une certaine mesure. En moins de temps qu’il ne vous l’a fallut, vous avez réussi à vous attirer une réputation certaine. Pleine d’audace mais un peu trop exubérante. » Il marqua une courte pause pour qu’elle prenne conscience de ses gestes et de la façon dont elle devait agir pour le reste de la soirée. « Cependant, contrairement à la majeure partie de ces gens, je suis un peu plus ouvert. Tenez votre langue avec les autres. Avec moi, disons que vous pouvez être un peu plus téméraire et un peu moins retenue dans vos propos. Je suis loin d’être aussi critique et arriéré que certains de mes ministres ou opposants. » Le rythme de la chanson commençait à décliner et le suédois commença à ralentir la cadence de leur valse, ce qui lui permit de prendre quelques secondes pour réfléchir à la nouvelle question de la baronne. Pourquoi avoir accepté ? Outre l'humiliation qui aurait pu s'abattre sur elle ? Outre le fait que Gustav serait passé pour le rustre qu'il n'est pas ? Outre le fait que Phèdre avait bien plus de courage que la moitié de ses généraux ? Il sourit alors qu'il passait non loin de là où se trouvaient les trônes. « Quand bien même vous êtes téméraire, madame, je ne suis pas homme à laisser une femme s'embarrasser devant... Disons le trois quart du royaume. Qui plus est si vous êtes ici pour vous reposer, et non pour chercher à déclencher une guerre d'intérêts. Vous avez su trouver les mots pour pousser mon frère dans quelques-uns de ses retranchements, mettre mon valet dans un état de nervosité comme j'ai pu rarement le voir et le chef de ma garde dans une douce colère qui lui est, certes, propre, mais tout de même rare devant un tel monde. Tout cela a attisé ma curiosité et a fait que nous sommes présentement en train de partage cette danse. Je dois, par ailleurs, louer vos talents de partenaire. Les jeunes femmes sont rarement aussi à l'aise... Surtout avec quelqu'un de mon rang. »
Peu à peu, les notes commencèrent à diminuer pour ne plus être qu'un murmure. Seuls les bruits légers de leurs pas, joins par la caresse de la robe de Phèdre tant sur le parquet que dans l'air, étaient encore perceptibles. Avec la même élégance qu'ils avaient fait preuve pour commencer cette danse, ce couple surprenant s'arrêta. Quelques femmes applaudir avec entrain, s'étant délecté de ce magnifique spectacle, tandis que les autres applaudissaient par politesse envers leur roi, ne comprenant toujours pas pourquoi celui-ci avait accepté de danser avec une femme qui ne respectait pas ce jour festif. Les mots de Phèdre lui tirèrent un sourire de courtoisie. « Alors vous m'en voyez ravi, madame. Je peux être mal placé pour dire cela mais il faut vous détacher lentement du deuil pour embrasser la joie et la douceur de vivre. Vos proches n'en seront plus ravis de vous revoir resplendissante de beauté. Si vous le souhaitez, vous pouvez, au moment de partir, enterrer vos tristes souvenirs dans un coin de ma terre. Il est de coutume de dire que les beaux jours suédois fonds fondre la tristesse de l'hiver. » Cela dit, il salua également sa partenaire d'un élégant signe de tête. « Ce sera un plaisir que de partager de nouveau une danse avec vous, Baronne. » Une petite ombre brune trépignait sur sa gauche. Non pas qu'Elina rêvait de danser avec son pappa devant tout ce monde, mais elle voulait le reprendre pour elle. Elle était sa fille. Elle était celle qu'il aimait le plus et cette allégorie de la Mort n'allait pas lui enlever son papa chéri. Sentant cela, Gustav s'excusa pour aller retrouver sa petite fille qui lui attrapa sa main gantée de ses dix petits doigts, jetant un regard noir à Phèdre. La princesse était la seule qui pouvait se mettre en travers de la route des nouvelles prétendantes à son pappa, et il était hors de question qu'elle se laisse encore impressionner par la Dame en Noir. « Pappa, j'ai goûté quelque chose de délicieux et je voudrai que vous le testiez aussi ! Vous allez voir, vous allez aimer ! » dit-elle en l'entraînant à travers un couloir spontanément créé par les convives. Viktor, qui n'avait pas perdu une miette de ce spectacle outrageux, se leva et quitta discrètement son trône pour aller retrouver Phèdre. Il lui tendit un verre de vin. « Alors, Madame, pour quelles raisons avez-vous approché mon frère ce soir ? Je doute que ce ne soit uniquement pour ses beaux yeux glacials ou sa fortune... » dit-il avec malice. Cependant, alors même qu'il sentait la tension grimper d'un cran, le jeune prince fut dérangé par... Sa nièce. Cette dernière, tendit une assiette vers Phèdre, un regard partagé entre la peur et la défiance. « Ce sont des spécialités de Suède, Madame. Si vous voulez bien y goûter...» Elina n'avait pas perdu sa stature digne, bien qu'elle était rassurée de savoir que son père n'était pas loin derrière elle, regardant la scène avec intérêt. | | Phèdre L. D'Envernay♕ • Mordue • ♕ Messages : 12
Mémoire de vieRace: MorduMétier/Rang: BaronneStatut amoureux: Célibataire | Dim 10 Déc - 23:40 La chance sourit aux audacieux. Le proverbe n’était pas inconnu de la jeune femme. Toutefois, il oubliait de mentionner à quel point l’audace peut s’avérer être une qualité à double-tranchant. Et l’indignation qui s’illustrait sur les traits et dans la voix du prince héritier à cet instant rappela à Phèdre qu’il lui fallait également en user avec prudence au risque d’en regretter les conséquences. La situation ne tournait pas à son avantage, elle qui aurait préféré jouer les intrigantes pour susciter l’intérêt dans cette foule aux couleurs pastel, la louve venait de se faire un ennemi du prince hériter suédois. Consciente de ce problème qui pourrait rapidement devenir ennuyant pour elle, Phèdre nota dans un coin de son esprit de prendre l’initiative de la réconciliation si jamais l’occasion se présentait à elle. Pour l’heure, le roi lui-même venait de mettre un terme à ce qui s’apparentait de plus en plus à de vulgaires chamailleries enfantines pour lui accorder une danse. Comment ce dernier prenait-il la situation ? Etait-il agacé sans le montrer ? Ou simplement amusé comme le laissait penser le sourire qui flottait sur ses lèvres au moment de saisir sa main pour l’entraîner vers le centre de l’immense pièce, faisant office de piste de danse. Le voile de tristesse qui s’abattit sur le visage de son partenaire n’échappa pas à la louve. Le sens de l’attachement dont faisait preuve le monarque envers sa défunte épouse lui échappait. A ses yeux, seule la mort de sa mère signifiait quelque chose à ses yeux et pas un souvenir des plus réjouissants. Seulement, elle avait eu le temps pour elle afin d’en faire le deuil. Peut-être que le détachement dont elle faisait preuve provenait autant de sa nature profonde que de l’immortalité acquise au travers de la bestialité ? Les simples humains n’avaient pas cette chance et s’effrayaient de la perspective de la mort, celle-là même qui donne son importance à l’existence des uns et des autres. Cela faisait-il d’elle une personne insensible ? Problablement.
« Que sa Majesté se rassure, je ne voudrais pas manquer l’occasion de faire honneur à votre Cour en offrant le raffinement de la toilette que l’on prête aux françaises. »
Puisque Gustav lui-même l’invitait indirectement à réapparaître à sa Cour lorsque viendrait le moment pour elle d’abandonner le voile, pourquoi s’en priverait-elle ? La jeune femme prenait cela pour un signe encourageant : quoique le monarque ait pu penser de sa manière d’être et de s’exprimer à ses proches les plus directs, il ne semblait pas offusqué au point de lui interdire l’accès au prochain bal. Cependant, ce dernier ne manqua pas de la mettre en garde compte tenu de son attitude au cours de la soirée.
« Il n’était pas dans mes intentions de me montrer exubérante Sir et je vous prie d’accepter une nouvelle fois mes excuses. Sachez qu’à l’avenir, je veillerai à ne pas offenser vos pairs et vous-même. »
Les notes de musique venaient mourir les unes après les autres, preuve irréfutable que leur corps à corps aussi insolite qu’élégant toucherait bientôt à sa fin. Les prouesses de l’excellent danseur que faisait le roi firent naître une brève déception dans l’esprit de Phèdre. Car oui, elle avait apprécié cette danse tout autant que de ridiculiser le prince héritier à demi-mots devant ses pairs. Aussi, se détacha-t-elle de son partenaire particulier avec un regret qu’il lui était fort facile de masquer derrière son voile, contrairement à la tristesse qui avait envahie son interlocuteur quelques minutes auparavant à l’évocation de sa défunte épouse. Cependant, la remarque de ce dernier concernant leur danse lui tira un franc sourire amusé, bien qu’elle ne se contente que d’une simple répartie :
« Sans vouloir vous manquer de respect Majesté, le rang d’un homme s’efface lorsqu’il danse. Et je dois avouer que le plaisir était partagé. Les rumeurs faisant de vous un excellent danseur étaient justifiées. »
L’anecdote au sujet des beaux jours suédois faisant fondre la tristesse de l’hiver fut accueillie avec surprise. Phèdre ne s’attendait pas à ce qu’on lui fasse une telle proposition. Après tout, elle ne faisait que simuler son propre deuil. De plus, le roi était effectivement mal placé pour l’enjoindre à surmonter cette rude épreuve, lui-même étant visiblement encore assailli par le souvenir douloureux de sa défunte épouse. L’espace d’un instant, il lui traversa l’esprit de lui retourner le conseil mais la louve se dit que Gustav risquerait de mal le prendre et ce, en dépit de la patience et de la tolérance dont il avait fait preuve jusqu’à présence à son égard. La jeune femme se contenta donc d’un signe de tête approbateur, comme pour remercier silencieusement son interlocuteur de sa généreuse proposition, avant de toutefois ajouter quelques mots :
« Voilà une bien belle tradition. Je n’y manquerai pas d’y songer Sir. »
Invisible sous son voile, Phèdre suivit du regard son fugace partenaire de danse qui s’éloignait, entraînée par sa fille. Un spectacle pour le moins pathétique et amusant à la fois. Cette gamine risquait de la gêner dans un avenir plus ou moins proche. Une succession de réflexions et de scénarios en tout genre flotta dans son esprit au sujet d’Elina avant de se voir brutalement interrompue lorsqu’un visage familier pénétra son champ de vision. Baissant brièvement les yeux en direction du verre de vin que lui proposait gentiment le prince héritier, la louve finit par le prendre délicatement, sans pour autant y tremper les lèvres. Non pas qu’elle redoutait que la douce chaleur de l’alcool lui délie la langue plus que nécessaire mais elle préférait reporter le moment de soulever, ne serait-ce que la partie inférieure de son voile pour porter quelque chose à ses lèvres. Et la répartie de son interlocuteur donnant le ton, Phèdre comprit vite que la conversation à venir nécessiterait tout le tact dont elle était capable, de préférence sans vin dans l’estomac pour ne pas brouiller son jugement. Etait-ce venu le moment de se réconcilier avec le petit prince à la virilité offensée un peu plus tôt dans la soirée ? La louve s’octroya quelques secondes pour choisir ses mots avec un soin tout particulier alors que le ton de sa voix s’était déjà radouci sans même qu’elle n’ait à y penser :
« Prince Viktor. »
Telle une salutation polie en vue d’engager la joute verbale qui les opposerait d’ici peu, ces deux mots furent aussitôt suivis d’une légère inclinaison de la tête sur le côté.
« Je crois que nous avons pris un mauvais départ. Si mes paroles vous ont offensé d’une quelconque façon que ce soit, je vous prie de bien vouloir m’excuser. J’aspire à ce que nos conversations reflètent la sérénité de notre relation à venir, qu’en pensez-vous ? »
Ce que son interlocuteur ne pouvait pas voir à cet instant fut certainement la malice qui pétillait dans les yeux de Phèdre, plutôt satisfaite de la manière dont elle essayait d’apaiser les hostilités entre elle et le prince héritier. Certainement que ce dernier ne devait pas être aussi ouvert d’esprit que son frère aîné comme celui-ci le prétendait. Mais avant que l’un ou l’autre des deux adversaires ait pu ajouter quoique ce soit, une petite voix se fit entendre près d’eux, coupant net leur affrontement sous couvert de réconciliation. Surprise, la louve baissa les yeux vers la figure reflétant appréhension ainsi qu’un soupçon d’orgueil. Sans doute qu’Elina n’avait pas dû apprécier ce moment partagé avec son père. Comme toutes les filles uniques, elle s’accaparait son père, lequel devait en plus, la gâter plus que nécessaire, princesse orpheline de mère qu’elle était devenue. Pour le coup Phèdre ne savait pas exactement comment se comporter avec la petite fille. Voilà une situation qu’elle n’avait pas envisagée, ayant remarqué le malaise que nourrissait l’enfant pour sa personne. De là, à ce qu’Elina vienne d’elle-même la trouvait relevait de l’imprévu. Lentement, la jeune femme tendit le bras pour se saisir de l’un des biscuits qui siégeaient dignement sur l’assiette, à la mesure du geste de défi que lui adressait la petite fille. Sauf que voilà, Phèdre avait un verre de vin dans une main et un biscuit suédois dans l’autre. Sans parler du voile qui la gênait. Si elle pouvait décliner poliment l’offre du prince héritier, ce serait une toute autre affaire que de refuser de croquer dans l’un de ses biscuits dont elle ne savait que penser dans le fond. Tout en s’efforçant d’effectuer les gestes les plus gracieux qui soient, la louve reposa doucement le verre sur une table à côté d’elle avant de se servir de cette même main pour soulever la partie inférieure de son voile. Chacun de ses gestes se voulait calculé et précis. Puisqu’elle avait bravé bon nombre de règles pour s’être présentée voilée au bal, ce n’était pas le moment de rompre la magie en dévoilant plus que nécessaire. En effet, seul un œil avisé – et suffisamment proche – aurait eu la chance d’entrapercevoir son menton et ses lèvres, lesquelles laissèrent apparaître des dents blanches croquant dans le biscuit offert. De longues secondes succédèrent ainsi à cette morsure, tandis que Phèdre prenait le temps de savourer cette première bouchée.
« Cela est très bon princesse Elina. Veuillez pardonner ma question mais quelle sorte de biscuit est-ce donc là ? »
| | InvitéInvité | Mar 16 Jan - 15:22 La jeune princesse n’avait pas quitté son père des yeux une seule seconde, divisée entre la colère de le voir partager une danse avec une femme autre qu'elle et la peur que La Mort ne prenne son pappa chéri. Elle avait déjà prit sa mère des années auparavant, pas la peine de le prendre aussi et de la laisser seule, avec des domestiques obéissant et un oncle qui n’était pas aussi doux que le roi. Non. Malgré l’insistance de sa nourrice, Elina n’avait pas souhaité manger quelque chose. Son estomac était trop serré de voir son père aussi majestueux avec une dame à son bras, sa main dans ses reins, la guidant sur le parquet de la salle de bal alors que normalement, c’était elle, et seulement elle, qui avait ce privilège. Le sourire de Gustav la faisait tant bouillir de l’intérieur que pâlir de l’extérieur ; était-ce une façon de soudoyer son père pour qu’il passe l’arme à gauche et qu’il s’en aille avec cette Ombre ? Le charme… C’était bien une affaire de femme, et non de petite fille… Et pourtant, la princesse savait à quel point elle avait de l’emprise sur son paternel. « Mademoiselle ? » Le regard droit et blessé d’Elina inquiétait sa gouvernante qui, tenant une assiette de commodités, essayait de la distraire de cette vue surprenante pour tous les membres de la Cour de Suède. « Votre Majesté ? Êtes-vous sûre que vous ne voulez pas au moins un Sarah Bernhardt ? »
Elle leva la tête vers la gouvernante qui devait avoir la vingtaine d’année et qui pouvait être sa sœur tant elles avaient passé du temps ensemble. Elle connaissait ses goûts et savait que la princesse ne pouvait résister à cette pâtisserie. La meringue fondante entourée de sa carapace de chocolat noir était l’un de ses pêchers mignons suédois. Mais à ce moment précis, elle n’avait pas faim… L’inquiétude avait rempli son estomac. Un soupir accompagna son refus silencieux et la gouvernante reporta son attention sur la valse que menait le roi et l’inconnue à la robe noire, elle picora elle-même le dessert qu’elle avait proposé à sa jeune maîtresse.
« Vous avez tort, Princesse Elina, ils sont délicieux. » dit-elle en tentant de la faire céder. Mais rien y fait, le regard bleu acier de la jeune fille était rivé sur son père.
La musique s’arrêta enfin et elle attrapa sa robe toute neuve pour avoir plus d’aisance. Alors qu’elle voyait Gustav remercier sa partenaire, la princesse traversa l’espace vide qui séparait la foule du couple, puis attrapa la grande main qui avait retrouvé sa position naturelle, le long de sa cuisse. Elle était chaude, rassurante, ce qui lui redonna le sourire et leva le poids qu’elle avait sur l’estomac, avant de l’entraîner vers le buffet, loin de cette menace, laissant une chance surprenante à son oncle de soustraire des informations à cette étrange créature voilée. Gustav s’excusa poliment d’un signe de tête avant de prendre sa fille et de la réprimander. Pourquoi avait-elle agit ainsi ? Et cette démonstration significative de possessivité ? Elle ne lui faisait que très rarement ce genre de scène… Il était troublé. En retournant vers la gouvernante, le monarque remercia ses convives de s’être déplacés, et retourna les compliments quant à ses talents d’hôte et de danseur, faisant fi de plus de mondanités pour aller retrouver la jeune femme souriante qui tenait encore son assiette. Il échangea brièvement avec elle, confirmant la raison pour laquelle la petite fille était si désespérément accrochée à son cou.
« -Elina, veux-tu me faire plaisir? » Elle hocha la tête positivement, tirant un sourire entendu entre les deux adultes. « Bien. Alors je vais prendre une assiette et l’on va choisir ensemble les meilleurs gâteaux suédois qui sont sur la table... » Elina releva la tête pour faire face à son père, pleine d’enthousiasme. « … Pour les emmener à la Baronne d’Envernay. - À qui ? » demanda-t-elle en penchant sa tête sur le côté d’un air sincèrement innocent. « - La Baronne d’Envernay. - Qui est-ce, pappa ? - La femme avec qui j’ai dansé tout à l’heure. - Non ! » cria-t-elle avec détermination en se reculant autant qu’elle le put de Gustav.
L’expression du visage du roi ne changea pas : toujours aimable et serin. En revanche, son regard se fit plus dur. Il avait beau l’aimer de tout son être, lui céder tout ce qu’elle voulait, il ne tolérait aucun refus ni chantage dans ce genre d’événement. Elina le savait, et pourtant, elle avait protesté contre sa demande.
« Elina… Nous allons le faire ensemble. Et tu vas lui donner cette assiette en signe de bienvenue dans notre royaume. C’est l’un des devoirs de la famille royale et, à ce que je sais, tu fais partie de la famille royale en tant qu’Elina fran Sverige, princesse du royaume de Suède. Nous devons accueillir nos invités, aussi prestigieux soient-ils, avec la même courtoisie et le même respect que nous recevons lorsque nous allons dans un autre pays. Qui plus est, la baronne vient de France et a eu l’occasion de côtoyer Charles. Aimerais-tu que Charles soit déçu de ton comportement envers quelqu’un de son royaume ? Quelqu’un qu’il connaît ? »
Il savait qu’en lui expliquant les choses ainsi, en la faisant culpabiliser en suscitant son affect, sa fille allait céder et jouer le rôle qu’elle avait eu, bon gré mal gré, dès sa naissance. Elle pesa rapidement le pour et le contre, montrer à son père qu’elle était digne de représenter la Suède à l’étranger ou bien continuer à refuser d’approcher cette entité mortelle. Sous le regard pesant de celui qu’elle aimait le plus au monde -pour le moment-, elle finit par hocher la tête ; elle ne voulait pas décevoir son père et le mettre dans une situation délicate. Satisfait de la voir capituler sans qu’elle ne fasse une scène, il la déposa par terre et entreprit de faire comme il le lui avait dit. Consciencieuse, elle sélectionna les meilleures pâtisseries avant de prendre diligemment la direction de son oncle et de la baronne.
« La sérénité d’une potentielle relation est à votre dépend, Madame. Mais je ne saurais vous conseiller d’être plus discrète à la Cour de Suède. Nous autres, scandinaves, sommes beaucoup moins exubérants que les Français, Italiens et autres membres des royaumes au sud de la Mer Baltique. » Glissa Viktor à la baronne avant de lever son verre vers son frère, puis de regarder sa nièce d’un air curieux.
Pleine de courage, la princesse s’adressa à Phèdre en respectant à la lettre sa posture physique, le ton de sa voix et son regard. Mais si la baronne y regardait un peu plus en détail, elle pourrait y voir toute la méfiance que la petite fille avait à son encontre. Aucun des trois membres de la famille royale ne perdit une miette de cet instant. Elina voulait savoir si la baronne allait lui répondre avec franchise ou bien si elle allait respecter ce fichu protocole. Viktor savourait silencieusement la victoire de sa nièce tandis que Gustav essayait de capter une courbe de son visage. Car il avait beau être extrêmement courtois envers la dame, il tolérait difficilement ne pas avoir une idée précise de ce à quoi ressemblait Phèdre, alors qu’elle, pouvait dessiner mentalement leurs portraits. Méfiance était mère de sûreté. Si les deux hommes ne purent rien voir -ce que Phèdre était maline !-, ce ne fut pas le cas d’Elina. Plus petite et plus proche que ses parents, elle avait pu apercevoir le visage de la baronne. Ses traits semblaient gracieux et doux, ses dents tranchaient avec le noir de ses habits. La petite princesse ne savait plus quoi penser de cette inconnue qui lui apparaissait si humaine, mais à la fois si irréelle. Jamais elle n’avait vu une femme qui pourrait réunir autant de qualités et de dignité sur un visage. Si. Peut-être sa mère, mais elle ne s’en rappelait pas. Peut-être la sœur de Charles. Peut-être la femme du roi de France. Elle ne savait pas. Elle ne savait plus… Gustav en profita pour se rapprocher de son frère, tout en surveillant les deux femmes dont la différence de taille était significative de leur âge et de leur vécu. Il porta son nouveau verre à ses lèvres pour boire une gorgée de ce vin rouge importé de France. Même en mangeant un gâteau, Phèdre restait élégante, ne perdait pas une miette de ce gâteau pourtant quelque peu friable. Il luttait pour la forcer à enlever son voile. Il voulait savoir à quoi elle ressemblait. Savoir quelles étaient ses expressions. Deviner, en se plongeant dans son regard, ce qu’elle pouvait bien penser, ce qu’elle leur cachait à tous.
« Ce sont des Kannelbulle, Madame. Ce sont des petits pains à la cannelle. Chaque région de Suède à sa propre façon de les tresser. C’est celui de la région de Stockholm. » Elle marqua une courte pause, essayant de capter un geste, une expression sous ce voile. Mais rien ne laissait transparaître, sauf peut être le mouvement délicat de sa mastication. « Pappa m’a dit que vous veniez de France. Si vous aimez la meringue, ces gâteaux vont vous plaire. dit-elle en pointant de son index de petites pyramides. « Ce sont des Sarah Bernhardt. C’est de la meringue sous la coque de chocolat. Ceux-ci sont des Chokladbollars. Des boules de chocolats saupoudrés d’éclats de noisettes. Ceux-là des Hallengrotta, des sablés avec un cœur aux fruits rouges. Je crois que c’est une confiture faite avec les framboises du palais. Et enfin, ces gros dès à coudre sont des Liten Mumma. C’est à base de pâte d’amande, de sucre et de cardamome. »
Elle se tut, satisfaite de son ton mesuré et de ses explications précises. Elle adorait toutes les pâtisseries, mais encore plus celles de son pays natal. Elle jeta un œil à son père qui avait suivit assidûment la conversation, ou plutôt le monologue. Le père et la fille ne savaient si ces explications allaient convenir à Phèdre, ni même si cela allait l’intéresser. Mais ce que Gustav savait, c’était que sa petite puce avait fait un énorme effort, puisant dans sa réserve à courage, pour pouvoir approcher la baronne et lui parler aussi longtemps. Elina était jeune et encore timide face aux étrangers, et son père était fier d’elle. Tout comme son oncle qui cachait son sourire derrière son verre. Le monarque en profita pour se glisser derrière sa fille.
« Je ne sais pas si vous avez pu tout retenir, Baronne d’Envernay, ma fille s’est quelque peu laissé emportée. Si certains sont incollables sur la géographie, il se trouve qu’Elina a légèrement plus de mémoire pour les gourmandises. J’espère qu’elle ne vous a pas trop perdue dans ses explications. Si vous avez une question, n’hésitez pas à la poser. »
Le regard espiègle, il s’amusait de cette situation peu commune. Elina recula jusqu’à coller son dos contre les jambes de son père, prenant ainsi un peu de force et de chaleur pour affronter les questions que pourrait lui poser la dame en noir. Le roi en profita pour attraper du bout des doigts un Sarah Bernhardt, le dégustant sans dissimuler sa satisfaction. Son maître pâtissier était divin, et ce dessert était l’une de ses spécialités. Il posa une main que la tête brune de sa petite, qui ne put s’empêcher de sursauter. Elle tendit de nouveau l’assiette vers Phèdre, sans rien dire cette fois, de peur d’être incorrecte et de se remettre à parler dans le vide. Captant du mouvement à son côté, Gustav tourna la tête vers son majordome, Aleks. Celui-ci se pencha à son oreille pour lui annoncer le début du lancement du feu d’artifice en l’honneur de feu le précédent roi. Il hocha la tête et le remercia, puis se saisit délicatement de l’assiette que tenait Elina pour aller la déposer sur la table, derrière Phèdre.
« Baronne, vous qui venez d’arriver dans ce royaume, vous n’êtes peut-être pas habituée à ce que les jours soient courts en hiver. Certains s’en lamentent et n’arrive pas à s’y faire. D’autres s’acclimatent parfaitement à cet environnement et n’arrivent plus à partir. Un avantage se trouve cependant à ce petit aléa de Dame Nature. Si vous voulez bien nous suivre… » Il attrapa la main de sa fille et prit la direction du trône où il grimpa sur la première marche. « Mesdames et Messieurs. Il est l’heure d’ouvrir plus solennellement les festivités. Vous êtes conviés dans le jardin ainsi que sur la terrasse pour jouir d’un spectacle venu tout droit des contrés du royaume de l’Orient. Vous ne serez pas déçus, croyez-m’en. - Qu’est-ce, pappa ? demanda Elina, ses yeux débordant soudain de curiosité. - Tu verras, meine liebe » dit-il simplement avant de la prendre dans ses bras et, d’un regard, invita son cadet et la baronne à le suivre sur la terrasse.
L’air de dehors était frais et sec, un temps typiquement suédois qui ne gênait nullement la famille royale. Gustav fit apporter un châle en laine pour la baronne, pour éviter qu’elle ne tombe malade en plus de son deuil.
« - Elles sont jolies les étoiles ce soir, pappa. Elles brillent beaucoup. - Effectivement. Connais-tu le nom de certaines étoiles ou constellations ? - Parce qu’elles ont des noms ?! Mais il y en a beaucoup ! - Bien sûr qu’elles ont des noms. Tout comme nous autres. Tu voudrais en apprendre quelques-unes ? - Oh oui ! - Je verrais cela avec ton futur précepteur. Et le soir, nous pourrons les regarder ensemble. Cependant… Sois attentive, mein liebe, d’autres étoiles vont apparaître bientôt... »
À peine Gustav eut-il terminé sa phrase qu’un premier coup sec retentit et une fleur de couleur apparue dans le ciel, au-dessus du jardin, rapidement suivit par une seconde. Un magnifique spectacle de lumière colorées se déroula devant les yeux émerveillés des convives. Satisfait de son effet, il regarda Phèdre du coin de l’œil. Comment trouvait-elle cela ? Jouissait-elle d’une belle vue, derrière son voile, et si non, allait-elle le soulever pour admirer ce feu d’artifice ? | | Phèdre L. D'Envernay♕ • Mordue • ♕ Messages : 12
Mémoire de vieRace: MorduMétier/Rang: BaronneStatut amoureux: Célibataire | Dim 16 Sep - 19:42 L’attitude de la petite princesse à son encontre ne laissait place à aucun doute : Elina se méfiait d’elle. Son ton et sa posture la trahissaient. En son for intérieur, la baronne jouissait de la savoir si mal à l’aise en sa présence. Ce n’était pas par pur caprice que Phèdre avait décidé de porter le voile du deuil ce soir. Elle voulait marquer les esprits, ne pas passer inaperçue et pensait sincèrement avoir remporté son pari. Etre le centre d’intérêts de toute la Cour de Suède, allant presque jusqu’à éclipser la présence royale, comportait ses avantages et ses inconvénients. La jeune femme avait conscience de s’être fait quelques ennemis parmi la noblesse suédoise, à commencer par la gente féminine qui voyait d’un très mauvais œil, l’arrivée d’une concurrente potentielle au visage masqué lors de sa première apparition parmi eux. Elina était de celles-ci, même si les raisons de son malaise trouvaient leurs origines dans la crainte de se voir voler la figure paternelle. Et dire qu’en dépit de toute la méfiance qu’elle pouvait ressentir à l’encontre de la baronne, la princesse devait à présent l’honorer de sa présence et de ses explications. Le refus de vouloir mais l’impossibilité de se défiler face à ses obligations d’hôte royale. Oui, Phèdre pouvait lire tout ceci dans les yeux et l’attitude de sa jeune interlocutrice. Un spectacle qui n’en était que plus délicieux. Toutefois, elle fut sincèrement surprise d’entendre Elina se lancer dans de telles explications détaillées au sujet des pâtisseries suédoises. Compte tenu de son attitude, la baronne avait imaginé que la princesse écourterait au mieux leur échange. Il n’en fut rien, bien au contraire : Phèdre se vit mitraillée d’informations et même contrainte à toutes les retenir, d’une part, pour mieux s’intégrer dans ce nouveau pays qui serait désormais le sien, et d’autre part, pour être en mesure de suivre la conversation qui se tiendrait autour de ces fameuses pâtisseries.
« Que sa Majesté se rassure. Je remercie la princesse Elina pour toutes ces informations, qui, je le sais, me seront précieuses pour apprécier toute la générosité suédoise. Et puis, la princesse est encore à un âge où l’on peut se passionner pour la pâtisserie. Cela n’en rend les conversations que plus agréables vous ne trouvez pas ? »
Son voile flotta doucement tandis qu’elle tournait la tête en direction de Gustav. Trop peu pour découvrir ne serait-ce que la partie inférieure de son visage hélas. La baronne nota également où allait la préférence du souverain en matière de pâtisseries. L’espace d’un instant, elle songea à prendre elle-même un Sarah Bernhardt, pour connaître la saveur de la pâtisserie plutôt que sa description exacte mais se ravisa bien vite. Elle aurait bien d’autres opportunités d’en déguster pour se faire une idée et ainsi satisfaire sa curiosité culinaire. L’invitation de Gustav et la promesse d’un spectacle exotique l’intrigua. Elle suivit le mouvement de foule en direction de la terrasse et quand bien même la température extérieure ne la dérangeait pas à proprement parler du fait de sa lycanthropie, Phèdre accepta le châle pour faire bonne figure. Il lui était nécessaire de cultiver une image, un semblant de faiblesse, tant psychologique que physique, afin de détourner les soupçons de sa personne. Ils n’avaient aucune idée de ce qu’elle était véritablement et du carnage qu’elle pourrait causer si elle décidait de soudain les égorger un par un. Sous son voile, la jeune femme se mordit doucement la lèvre. La Bête ne cachait pas sa frustration et il lui faudrait bientôt aller chasser, au risque de se voir perdre le contrôle en présence de témoins. Alors qu’elle reportait son attention sur le ciel et les milliers d’étoiles le composant à cet instant, la première fleur de feu fit son apparition au-dessus d’eux. Son cœur manqua un battement. La surprise en était la cause. Mais bien vite, Phèdre comprit ce qui clochait. Elle avait des palpitations dans la poitrine et ce n’était pas dû au plaisir de contempler pareil spectacle. Non. C’était autre chose. La Bête s’agitait. Elle pouvait presque l’entendre gronder à ses oreilles, toute proche. Le feu. Le son. Sa Bête les redoutait aussi férocement qu’elle traquait ses proies. La baronne tenta d’apaiser les battements de son cœur tant bien que mal. De coups d’œil furtifs autour d’elle confirmèrent sa pensée : elle ne risquait rien, pas même une simple brûlure. A force d’auto persuasion, la jeune femme parvint à reprendre le contrôle d’elle-même. Il s’en était fallu de peu cette fois encore. Son séjour en Suède risquait bien de se montrer plus éprouvant que l’idée qu’elle s’en était fait. Sa Bête apaisée, Phèdre put enfin contempler le spectacle qui s’offrait à elle. Des fleurs de feu, toutes plus brillantes et colorées les unes que les autres, se succédaient dans le ciel, éclipsant par leur éclat, les étoiles alentours. Dans le fond, ce constat l’attrista quelque peu. Pourquoi troquer la beauté des choses naturelles pour quelques artifices nés de la main de l’homme ?
Mais surtout, les lueurs orangées projetées sur eux firent ressurgir des souvenirs. Ces lueurs dansantes comme celles des flammes. Sa mémoire la projeta des années en arrière, si loin qu’elle aurait pu partager les jeux d’Elina si elles s’étaient connues à ce moment-là. Elle revit sa mère, le visage déformé par la douleur alors que les flammes léchaient sa peau jusqu’à la faire fondre. Il n’était pas question de Sarah Bernhardt ici, simplement de la bêtise des hommes. Ceux-là qui avaient conduit sa mère au bucher en criant à la sorcière. Les hurlements de la foule en délire couvraient ceux de sa mère, tout comme les siens, mouillés de larmes. Incapable de supporter plus longtemps ce spectacle, Phèdre ferma les yeux sous son voile, sans bouger la tête. Ainsi, elle donnait l’impression de continuer à regarder le feu d’artifice puisque personne ne pouvait apercevoir ses paupières closes sous son voile. En effet, la jeune femme ne voulait pas vexer le roi en refusant de regarder le spectacle qu’il leur offrait. Toutefois, elle ne put retenir deux larmes jumelles de s’enfuir du coin de ses yeux, glissant le long de ses cils pour ensuite rouler sur ses joues aux pommettes relevées. Les deux traînées humides se dessinèrent sur sa peau claire, suivant le contour élégant de sa mâchoire jusqu’à se rejoindre sous le menton pour ne former plus qu’une goutte unique, laquelle, alourdie par ce poids soudain, vint s’écrasa sur le sol. Et cela, même le voile ne pouvait le masquer. Cependant, elle se consolait en se disant que personne ne ferait attention à sa personne en cet instant. C’était sans se douter du regard en coin du roi sur elle. Phèdre n’en avait pas conscience. D’aucun aurait pu penser qu’elle jouait la comédie, une fois de plus. Que ses larmes étaient parfaitement calculées pour susciter la compassion dans le cœur du monarque, le gagnant un peu plus au passage. Oui, Phèdre était le genre de personne capable d’une telle chose, celle de jouer avec les sentiments d’autrui pour mieux parvenir à ses fins. Mais pas à cet instant. Sa douleur était bien réelle. Et c’était également pour cette raison qu’elle ne permettrait jamais à quiconque de la contempler, préférant porter le voile pour la masquer. Elle aurait toujours le temps d’essuyer furtivement ses joues lorsque les bruits du feu d’artifice s’estomperaient pour laisser place aux applaudissements d’une foule sous le charme. Alors, à ce moment-là, elle reprendrait sa place parmi les convives, tournant la tête vers le roi du Suède, tant pour exprimer sa satisfaction quant à ce spectacle que pour vanter l’ingéniosité du souverain. Aurait-elle une fraction de secondes d’avance sur les autres invités de ce soir ? Peut-être bien. Cette même seconde d’avance qui lui ferait croiser le regard en coin du monarque. Et alors elle comprendrait. Depuis quand l’attention de Gustav était-elle tournée vers sa personne ? L’avait-il vu pleurer ? Des questions qui allaient demeurer en suspens bien trop longtemps à son goût. | | Contenu sponsorisé | | |
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