{FLASHBACK} Dis moi, de quoi sont fait tes crocs? • Wolfy

C’est pas une sensation d’humidité appuyée que je fus tiré de mon sommeil, cette fois-là. Ayant peiné à m’endormir sur le sol crasseux de cette cage, je ne m’étais en aucun cas attendu à ce que l’on essaie de me déloger des bras de Morphée si rapidement.

Mais, à vrai dire, je ne savais même plus depuis combien de temps je m’étais assoupi. La notion de l’heure, du temps lui-même avait pris la poudre d’escampette depuis que je m’étais fait attraper –sans réelle résistance – par ces humains bien étranges ; lesquels me faisaient combattre de façon acharnée pour leur compte, dans ces arènes que j’aurai autrefois trouvé sans doute sordides.

Présentement, je ne pensais rien de tout cela. Ces murs froids, couverts par endroit de sang séché, était devenu mon quotidien.

C’est là, dans ce semblant de purgatoire, que j’attendais que la mort vienne me fauché afin d’expier mes fautes ; ou plutôt ce que les hommes de ce pays appellent « péchés ». Je ne suis pas très au courant des pratiques religieuses en application ici, connaissant simplement leur dangerosité pour un être tel que moi ; infâme. Et bien au-delà de mes erreurs personnelles, il s’agit ici de mon identité pure ; de ce que je suis. Un loup.

Les religions méprisent mes semblables et moi-même avec un fervent acharnement ; je reconnais au moins cela aux prêcheurs. C’est une force que je ne me connais plus ; le fait de s’acharner ainsi.
« Mais tu vas bouger oui, psèce ‘corniaud ?! »

J’entends la voix épaisse et grasse, du préposé à la nourriture des combattants – une ration de viande presque avariée, le plus souvent – qui le houspille un peu plus loin, m’enjoignant de changer de cage, sans doute. Je comprends cependant où il veut en venir en voyant deux autres ombres, des enfants – esclaves probablement – venir près des barreaux avec des sceaux remplis d’eaux à ras bords. Ils veulent nettoyer un peu cet endroit. Soit, comme ils le veulent, cela ne me regardent en rien après tout.

Je lève donc ma carcasse et me traîne péniblement vers la cage d’à côté, sortant par la seule issue de la mienne et pénétrant dans l’autre lorsque l’on m’en ouvre la porte. Je n’ai même pas pris acte de s’il y avait déjà quelqu’un à l’intérieur. Les odeurs multiples présentent en ces lieux brouillent mon sens de l’odorat ; ce n’est pas très agréable.

Là, las, je m’affale presque sur le sol, dans la même position que celle que l’on m’a forcé à quitter il n’y a pas si longtemps. Vais-je enfin pouvoir dormir, cette fois ?

Je ne m’attendais absolument pas à ce qu’on me parle. Mais vraiment. Après tout, ici, on ne communique que pour s’entretuer ou presque, le plus souvent. Du coup, me faire interpeller de la sorte, je ne m’y était pas préparé. Tant pis, il parait que la vie est faite d’imprévu ? Ahah… Quel est le sombre connard qui a osé dire une chose pareille alors que c’est l’évidence même. Si cette garce qui nous domine n’était pas bourrée d’imprévus, je n’en serais pas là aujourd’hui; je n’aurais pas tant envie que cela de mourir, d’en finir une bonne fois pour toute.

Pour autant, je ne m’explique pas le regain d’énergie à chaque fois suffisant pour venir à bout de mes adversaires. C’est désolant. Pourquoi ne puis-je donc pas en terminer une fois pour toute ? Serait-ce une malédiction qui sur moi fut jetée sans que je ne m’en sois aperçu ? Je préfère éviter cette possibilité. L’occulte ne me sied guère – contrairement à ce que l’on pourrait penser.

Bref, tout ça pour dire que je capte seulement maintenant que l’on s’adresse à ma personne.

Mon regard citrin est las se pose finalement sur l’émetteur de cette voix, alors que le geôlier repart en marmonnant je ne sais quoi dans sa barbe. Je remarque qu’une grille de cage nous sépare. Je ne m’en approche pas davantage, je sais que je vais déjà récolter mon lot de blessures tout à l’heure, inutile d’en rajouter. J’espère que cette fois ils me trouveront un adversaire capable de m’abattre. Et si c’était cet autre loup, là, qui me parle depuis sa geôle ? Peut-être. Après tout je m’en fiche. « Lycan. Toi je ne te pose pas la question, un vampire n’aurait pas cette curiosité malsaine. »

Oui, non. Un vampire cherche avant tout à planter ses crocs dans la chaire, peu importe l’origine de cette dernière. Tout du moins, c’est ce que j’en ai retenu jusque-là. Il n’y a bien qu’une seule exception à la règle dans ma longue existence et je sais qu’elle ne peut faire office que d’exception. Rien de plus, rien de moins.

Je n’aime pas avoir revêtir ma forme humaine. C’est trop étrange. Mes cheveux sont trop longs et mes ressentis pas assez précis par rapports à d’habitude. Je change donc de peau une fois encore avant de me laisser choir, plus que je ne me couchais, sur le sol poisseux de cette cage. Je ne me souviens plus qui était ici avant moi. Peu importe, il ou elle a dû mourir depuis un moment, maintenant. Mais je suis quand même curieux, au fond. « Regret pour ton voisin de chambre ? »

Si ça se trouve, l’autre blafard et le précédent logé ici étaient amis. Tant mieux pour lui, tant pis pour... lui aussi, tiens.

Je n’avais jamais vraiment été très intéressé en le fait de créer de potentiels liens avec les autres prisonniers de cet endroit malodorant. Après tout, si j’étais ici, c’était parce que je voulais mourir et si eux étaient là, soient ils partageaient les mêmes desseins que moi, soit… ils n’étaient tout simplement pas assez bons pour rester en liberté. Que pouvais-je y faire, après tout ? Cela ne me regardait en rien, dans un cas comme dans l’autre.

Mais bon, il faut croire que le silence et les formules de politesses – si l’on peut formuler les choses ainsi ceci étant dit… - basiques n’étaient pas d’un goût suffisant pour la plupart des êtres que je croisais ici.

En l’entendant me parler, je souffle. Il est vrai que sa voir depuis combien de temps je suis incarcéré va grandement l’aider dans la suite des évènements. Mais bon, peut-être qu’près il se fatiguera tout seul et me laissera à un repos que j’espérais être éternel.

« Depuis plus longtemps que toi, c’est un fait. »

Je n’étais pas très à l’aise avec le fait de vouvoyer des condamnés à mort. Après tout, bientôt nous ne serons plus que fourrures émaciées et muscles déchirés. Autant ne pas mettre davantage de barrières inutiles.

"Intéressé à ce point par la vie de tes codétenus?"