EVENT D'HIVER • LE BAL

La clarté de la lune laissait couler sur sa peau diaphane de pâles reflets d'argent. La demoiselle, sans un bruit, s'avança. Pas un seul froissement de sa robe sombre, d'un bordeau profond, ne faisait le moindre bruit, tandis qu'elle réajusta son loup noir, simple masque décoré de pivoines blanches, et de quelques plumes discrètes. Ses cheveux, maintenus en un chignon élégant, coiffé d'une autre pivoine blanche et d'un ruban sombre, ne souffraient pas de la légère brise nocturne. Pas même ses épaules dénudées, son cou de cygne offert au grand jour, ne craignaient le froid.

Les bras en partie couverts de manches bouffantes se déclinant en tissu plaqué sur ses avant-bras, sa taille fine serrée dans un corset plus sombre que ses jupons, où se dessinaient fleurs et arabesques, L'inconnue avait une certaine élégance et grâce naturelle. À son cou, pendait un cristal blanc, tandis qu'elle s'avança vers la jeune femme l'accueillant avec cordialité, bien que semblant attendre quelque chose.

Elle eut un petit sourire, soufflant :

« Jeu d'Ombres vous remercie. »

Puis elle pénétra dans la salle de bal.

L’homme soupire et presse le pas, faisant remarquer à sa jumelle qu’il n’y a nul besoin de courir de la sorte pour rejoindre la salle de réception. Ils sont en avance, encore plus sachant qu’ils arriveront officiellement avant le début de la réception, mais la belle est pressée. Elle a pris du temps pour choisir la robe parfaite et il est fait que cette robe bleue nuit lui sied à ravir. Elle a également pris un temps fou pour coiffer sa longue chevelure blonde qu’elle a laissé retomber en cascade dans son dos et qui danse au fil de ses pas -c’est elle également qui a coiffé la chevelure blonde de son frère, qu’il a refusé de coiffer autrement qu’avec une tresse pratique qu’il a l’habitude d’aborder. Sa tenue à lui est bien plus discrète et bien plus humble ; il n’est pas là ce soir pour danser mais pour jouer, aussi s’est-il accordé aux couleurs de l’orchestre avec un rouge Bordeau très élégant.
Seuls leurs masques détonnent de leur tenue. Chacun aborde un loup aux motifs semblables mais de couleurs différentes rappelant celle de la tenue de l’autre ; ainsi celui d’Allister est bordeaux tandis que celui d’Annibal est bleu nuit. Seuls quelques membres de l’orchestre sont déjà là lorsqu’ils arrivent. Pourtant la demoiselle à la plume est déjà postée à l’entrée.

« Freyr et Freyja vous souhaitent une bonne soirée ! » Disent-ils d’une même voix avant de pénétrer dans la pièce. Il se dirige vers l'orchestre pour saluer ses confrères et s'assurer que tout est en ordre, et elle l'aide à régler les derniers détails en attendant les premières arrivées.

Elle n’avait pas voulu venir, au départ. Les mondanités, elle les laissait à sa maîtresse qui savait parfaitement gérer ce genre de choses. Bien mieux qu’elle de toute évidence. Flora n’avait jamais été papillon de nuit, à vouloir voleter trop prêt de la lumière.

Mais ce soir, c’était une chose qu’elle ne pouvait éluder. Lizbeth y allait et Flora refusait catégoriquement de laisser sa précieuse maîtresse y aller seule. Sait-on jamais des fois qu’elle tombe sur un individus louches… L’infant avait encore quelques douleurs entre les côtes du fait de ses blessures lors de l’attaque de Paris, mais ce n’était pas suffisant pour l’empêcher de suivre la Marquise.

Alors, sa longue robe faite de tissu verts – il paraitrait que cela mettait en valeur sa chevelure de feu – ornait ses hanches et ses épaules tandis qu’un masque vénitien dissimulait son visage au monde entier. Lorsque ce fut à son tour dépasser la porte, elle grimaça sous son atour à la demande d’un pseudonyme. Quelle idiotie les humains peuvent avoir parfois…

« Mirage sera mon nom. » Dit-elle sans la moindre amabilité. Puis, elle pénétra dans l’enceinte du château, cherchant le parfum de sa Marquise. Même si elle dû bien se rendre à l’évidence, le parfum qu’on lui avait fourni juste avant brouillait ses sens. Et pas qu’un peu. Flora fit une nouvelle grimace. La soirée promettait d’être longue.

Il s’était apprêté tel un oiseau de nuit. Mezariel savait que Lizbeth se rendrait également au bal, ce soir. Alors il la rejoindrait sur place. Pour l’heure, son costume noir et bleu cintrait sa silhouette d’homme et ses cheveux totalement détachés gommait l’impression soignée qu’il avait d’ordinaire. Pour une fois, il avait souhaité faire les choses autrement. Il n’avait pas l’air négligé mais son apparence ne pouvait trahir son statut de Duc.
Du moins l’espérait-il sincèrement.

Son masque de plumes et au bec proéminent sur le haut de son visage, seules les lèvres étaient laissées apparentes, afin de pouvoir profiter des boissons sans doute proposées à la dégustation. Il était fin prêt. C’est donc tout naturellement qu’il se présenta devant les portes du château pour se renseigner également au registre. « L’Aventureux est parmi vous. » Ce surnom le fit pouffer de rire intérieurement. Il avait de ces idées, parfois…

Investissant la salle de bal, il pouvait désormais jouir des senteurs alentours, toutes noyées par le parfum offert à l’entrée. Ainsi il allait devoir jouer des intuitions ? Pourquoi pas…

Sa tête est vide de souvenirs malgré tous les efforts qu’il met à vouloir les retrouver. Mais rien que pour ce soir, Charles désire plus que tout s’adonner à un peu de légèreté. Ce bal, depuis l’annonce qu’il en avait fait, il l’attendait avec grande impatience.

Sous son apparat de vêtement recouvert entièrement de feuilles de tissus, il ressemblait à un arbre. C’était voulu. Il portait également un masque complet, assorti au costume suscité. Il ne souhaitait pas faire comme tout le monde et voulait surprendre autrement qu’en étant le Roi. Car nul ne savait qui serait qui lors de cette festivité et Charles n’aurait su être davantage comblé.

Ainsi, se mêlant à la foule et déjà regardé de part en part, satisfait, Charles se présenta devant la domestique chargée de prendre les noms des participants. Il ne lui fallut qu’une seconde pour dégainer son nom d’emprunt, qu’il avait longtemps mûrit. « L’if est bien présent ce soir. » Ainsi il était de concert avec son costume.

S’aspergeant du parfum odorant, il pouvait maintenant rejoindre ses convives.