Que la nuit soit - Aëlys et Laurin

     Une nouvelle nuit de malédiction s'abattait sur la France, haut dans le ciel une lune sanglante dominait les bois en projetant sa lueur carmine sur les chênes et les pins silencieux. Le disque nocturne était plein, ce qui voulait dire que son corps ne lui appartiendrait plus, enfin pour le moment. Mais pour une fois il avait trouvé un endroit où camoufler ses vêtements et se reposer au lever du jour. Un petit ruisseau coulait en contrebas de sa petite grotte, le doux roulis de son eau berçant les oreilles de l'homme.

         Se délestant de sa veste il put enfin goutter à la fraîcheur nocturne, oubliant un instant la chaleur cuisante qui affligeait le royaume. L'air de la nuit s'était défait de l'ardeur de la journée, laissant sa peau respirer tranquillement. Il cacha ses vêtements et son sac sous un petit rocher et laissa son corps reprendre ses habitudes. Sa chaire se fit fluide, se mouvant naturellement au rythme des battements de son cœur, se tordant pour remanier les os, et se couvrant d'une fourrure drue.

          Puis se fut au tour de son esprit de changer, la bête se glissa auprès de lui, se logeant dans les replis de son esprit, plus docile qu'à son habitude, contemplant le monde par ses yeux. Sa soif de sang se fit contagieuse et il se rendit compte que son estomac grondait. Depuis qu'il s'était réconcilié avec le monstre qui l'habitait, se changer n'était plus vraiment une corvée, et la bête avait arrêté de grattait son crâne en essayant de se défaire de son étreinte, mais son appétit n'avait pas diminué, et à chaque transformation, son goût pour la chaire crue se faisait plus forte.

           La faim le traîna jusqu'à la périphérie de son terrier, le laissant admirer la forêt enténébrée et silencieuse. Une envie urgente de crier l'envahit et la bête ne lui donna pas le choix de refuser, tournant son museau vers les étoiles, sa gorge s'emplit d'un long hurlement à glacer le sang. Son envie assouvie, il s'enfonça parmi les arbres centenaires à la recherche d'un brocard ou d'une autre victime innocente, mais sa traque prit un cours singulier. Une odeur particulière planait dans l'air, une senteur qu'il n'avait que trop peu l'occasion de percevoir. Une autre bête maudite arpentait cette forêt, un partenaire de jeu ou un rivale ? Il réitéra son cri, mais cette fois ci plus long, plus profond, un appel pour l'autre. Cette nuit allait se montrer plus intéressante qu'il ne l'avait prévu.