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[FB] Éreintante solitude, veille de quiétude. [PV Nao]

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Profil Académie Waverly
[FB] Éreintante solitude, veille de quiétude. [PV Nao] EmptyDim 9 Avr - 16:30
Éreintante solitude...
feat. Nao
Solitude : douce absence de regards. Milan Kundera .



Le damoiseau crasseux, pataud et lourd, titubait péniblement le long d'un chemin escarpé, lequel, sinueux au possible, s'enfonçait dans les méandres d'une forêt inconnue. Sa dégaine, déjà déplorable en temps normal, témoignait d'un épuisement et d'une fatigue morale indicible, incomparable : lui qui, à l'accoutumée, était toujours d'un tempérament si vif, si vivant, si bienveillant et si curieux se retrouvait là, abattu et las, figure dramatique d'une grotesque comédie. Il avait été chassé de lui, sans plus de cérémonies, lorsqu'on s'était rendu compte de ses ignobles forfaits, des vols de nourriture dont il s'était rendu coupable, puis il avait eu à se heurter à sa première véritable peine amoureuse, la plus terrible des souffrances qu'il ait jamais eu à affronter de front. Le rouquin, hébété, s'était donc retrouvé contraint à l'une des plus basses extrémités : le vagabondage. Il fuyait les siens, son passé honteux et les crimes accablant que lui reprochaient ceux qui l'avaient autrefois élevé, à défaut de l'aimer vraiment. Oui, au final, Jean Jean n'était plus que l'ombre funeste et fugace de l'autrefois bon vivant qu'il avait incarné, jadis. A la veille de sa vie d'adulte, il se voyait obligé à tout reconstruire, à tout rebâtir seul, aussi bien sa vie que des conditions de vie décentes. Son existence toute entière se voyait durement et sèchement remise en cause, et les constats pénibles qu'il n'avait eu de cesse d'ériger ces derniers jours ne comportaient pas l'ombre d'une lumière d'espoir. Son espérance était morte en même temps que son optimisme, et il se complaisait désormais, à défaut de mieux, dans la misère et la tristesse. Ivre de nostalgie, il profitait de ses dernières denrées, quelques quignons de pain, des fragments oignons et des flaques d'eau traînant çà et là, pour atténuer ses besoins mortels sans jamais réussir à les épancher pleinement.

Pourtant stupide et simpliste, le marmot avait même eu à subir un frisson glacial qui lui avait fracassé l'échine, quelques heures auparavant, lorsqu'il s'était rendu compte qu'il n'avait aucun moyen de savoir où il se rendait. A la vérité, la seule chose dont il était désormais pertinemment sûr, c'était que la silhouette qui l'attendait à l'issue de ce chemin risquait fort de revêtir une cape sombre et une faux acérée... Avec un soupir profond et une démarche toujours aussi hasardeux et approximative, souffrant de plus en plus de son manque de certitude et de détermination, Jean Jean se mit finalement à siffloter un air lugubre et sombre, le premier qui lui passait par l'esprit. Pas vraiment artiste, et encore moins musicien, il se laissa donc vagabonder tant physiquement que mentalement, jusqu'à ce que l'obscurité ambiante n'achève de le désespérer. Il s'approcha alors de l'une des bordures du petit chemin qu'il empruntait et qui semblait générer un point de passage entre deux villages locaux puis s'adossa lourdement à un tronc d'arbre, contre lequel il se laissa glisser, sans le moindre égard pour les haillons souillés qu'il trimbalait avec lui depuis le début de son déjà trop long périple. Sans la moindre notion du temps, le garnement aurait été bien mal inspiré que de vouloir estimer la durée depuis laquelle il avait quitté son gîte et la famille de sa tante. Il ne voulait pas spécialement le savoir, d'ailleurs, craignant que cette pensée funeste n'achève de le décourager totalement. La gorge sèche, ses lèvres durcies s'entrouvrirent tout juste pour lâcher quelques bribes de paroles tandis qu'il profitait bêtement du vent frais et de l'ombre des arbres, bercé par les sons ambiants de la nature.

-Ben ça, dites donc, c'quand même po d'veine.

Oui, un constat amer, mais que personne n'aurait sans doute pris la peine de contredire. Dans le fond, s'il était résigné et s'il considérait que les jours les plus heureux de son existence se trouvaient probablement derrière lui, Jean Jean restait en son for intérieur un éternel utopiste. Difficile donc de se résoudre à la mort, difficile d'accepter son sort et de se laisser dépérir dans les rues sordides d'une petite ville hostile, où on ne lui aurait rien réservé d'autre que du mépris et de la condescendance. Quelque part, le rouquin avait peur du destin que lui réservait ce capricieux Dieu, qui les jugeait tous avec tant de défection et de hauteur. Les divers religieux qu'il avait pu écouter durant sa morne enfance l'érigeaient en une espèce de figure absolue, que l'humanité toute entière aurait été bien en mal de seulement vouloir imaginer ses ambitions et ses desseins... Mais, tout ce que le crasseux damoiseau y voyait, c'était qu'il avait à souffrir d'une solitude qu'il aurait préféré fuir ! Il lui fallut encore un instant pour commencer à s'assoupir, prenant le temps de jouir d'une légère pause dans ses divagations. Il n'était guère nécessaire de précipiter son périple, de toute manière : il n'avait nulle part où aller, après tout.

Nao de SaintLouis
Nao de SaintLouis
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[FB] Éreintante solitude, veille de quiétude. [PV Nao] EmptyVen 19 Mai - 11:19
  • Nao
  • Jean Jean
Veille de quiètude
Il n'était, il est vrai, dans mes habitudes de quitter Paris depuis que mon petit maître avait été admis à la cour. Il y avait toujours fort à faire et, mon devoir étant de veiller sur lui, je ne pouvais le laisser seul guère longtemps. Enfin, désormais il s’était plutôt je le crois, bien accoutumé à la Cour et à cette vie clinquante. Les demoiselles de la Noblesse étaient sous son charme par ailleurs et les hauts-placés l'appréciait ; plus que Maître Denovan même. Il faut dire que le Jeune Maître Mezariel, en plus d’avoir hérité de la beauté, en plus juvénile, de son père, était bien moins bourru et inaccessible que ce dernier. Son sourire et ses bonnes manières de gentleman avaient d’ors et déjà charmé la plupart. Assurément, sa tante avait su compléter parfaitement son éducation — mieux qu’une roturière telle que moi ne l’aurait fait, je devais l’admettre. Mes services étaient bon pour servir de nourrice et de protectrice tendre à l’enfant qu’il était, mais son apprentissage des choses essentielles à devenir un gentilhomme était au delà de mes compétences.

Il n’empêchait que j’étais fort fière de mon petit maître. Et j’apprenais doucement à le regarder partir, encore une fois. Aujourd’hui, exceptionnellement et une fois mes tâches accomplies, j’avais pris congé pour quitter le château et Paris même. Mezariel était de toutes manières occupé à des tâches intellectuelles auxquelles je ne lui étais d’aucune aide, à mon regret. Aussi en avais-je profité pour faire ce que je n’avais eu l’occasion depuis longtemps ; rendre visite à ma famille.

J’avais eu la faiblesse de garder contact avec mon jeune frère après mon entrée au service des De SaintLouis. Ma nature de lycan lui avait été révélé, mais Justin n’avait pas eu peur de moi. Il m’avait accepté et nous avons continué de nous rencontrer en secret à plusieurs occasions le long de sa vie; moi, demeurant éternellement jeune désormais, et lui grandissant et vieillissant. Sa mort fut une grande tristesse pour moi, bien que j’étais heureuse de savoir qu’il avait eu une vie satisfaisant. Justin perdurait à sa manière, dans mes souvenirs déjà, et aussi dans le sang de ses trois enfants. Ils ne connaissais pas, mais je les aimais tendrement de loin et j’appréciais venir parfois à leur village pour passer à la boulangerie de Lucien, l’aîné et lui-même père de famille (Justin avait eu le plaisir de connaître ses petits-enfants, ce qui m’avait rempli de joie à son égard). Ils vieillissaient, tous. Mais ainsi en allait leur vie d’humain et j’étais heureuse de pouvoir m’assurer qu’ils allaient tous bien de temps à autre, laissant quelques pièces en trop sur mon passage pour les aider à ma manière, discrète.

Mon tour accompli pour m’assurer que mes neveux et nièces ainsi que leur descendance allaient tous bien, sans qu’ils ne devinent nos liens de parenté alors que je traversais le village en simple servante que je suis, je repartais, flânant le long des chemins, prenant mon temps pour rentrer, alors que je profitais d’une rare promenade bucolique, mon panier empli de quelques victuailles.

Mes pas se stoppèrent soudainement, alors qu’une fragrance nouvelle et surprenante chatouillait mes narines. Mon nez retroussé se fronça alors — cela sentait l’humain, mais puant. La crasse, la sueur et probablement des déjections humaines. Vivre dans l’enceinte du brillant château français m’aurait presque fait oublié à ce que la vie en dehors du palais doré ressemblait. J’en avais presque honte  ; je suis fille de paysans, la pauvreté et la misère me connaissaient pour avoir côtoyé mon enfance. Voir des mendiants crever tels des chiens errants sur le bord de la route n’était en soi, guère une découverte pour moi. Mon instinct de louve me disait de partir ; je ne suis pas charognarde après tout et j’avais à faire ailleurs. Mais je ne pouvais laisser un va-nus-pieds, potentiellement sur le point de rencontre Notre Seigneur, mourir seul sans au moins lui offrir une dernière fois une main tendue. Même désormais que j’étais créature du péché, je ne tournais point le dos mon éducation religieuse et à mes anciens semblables.

Je l'aperçus plus loin, couché sur le bord du chemin. Il ne bougeait pas, semblait d’ailleurs plutôt jeune. Avec prudence, je m’approchais, incapable de dire s’il était mort ou vivant. Serais-je arrivé trop tard ? “Oh ciel”, murmurais-je en me penchant légèrement sur lui. Il me semblait percevoir comme un soulèvement de sa poitrine, aussi tentais-je ma chance. “Petit, es-tu vivant ?” Il était réellement jeune, je m’en rendais compte que je l’observais; plus que Mezariel même. Mon affection naturelle à l’égard des louveteaux abandonnés me poussait donc à ne pas lui tourner le dos.
pardon pour le retard omg ;v;
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[FB] Éreintante solitude, veille de quiétude. [PV Nao] EmptyMar 6 Juin - 21:33
Éreintante solitude...
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Solitude : douce absence de regards. Milan Kundera .



Il s'était assoupi d'un sommeil lourd, d'un repos puissant et saisissant qui ne fut pas le moindre instant durant contesté par quelques songes rêveurs. Les bras de Morphée l'avaient accueilli trop las, trop fatigué et trop désespéré pour que son imaginaire ne puisse s'autoriser de telles folies. Son corps tout entier, à l'agonie, se refusait la seule perspective d'un rêve nostalgique ou d'un cauchemar aberrant et traumatisant, lesquels, l'un comme l'autre, auraient achevé de l'abattre à son réveil, lorsqu'il aurait eu à se confronter à la dureté rugueuse de cette morne et sordide existence qui serait dorénavant la sienne. Jean Jean n'était, pour ainsi dire et à l'heure actuelle, sûr de rien. Il ne possédait plus le moindre repère, plus la moindre attache, et même plus le moindre contact : il se voyait dépossédé de tout ce qui lui avait été, un jour ou l'autre, particulièrement cher. Sa folle insouciance, celle-là même qui avait été son unique moteur des années durant, et ce malgré son enfance d'une banalité lugubre, ne lui permettait plus de surmonter inlassablement et oisivement les multitudes de souffrances qui l'avaient blessé au plus profond de son âme. Le pauvre paysan n'avait désormais plus aucune véritable raison de subsister, tant l'avenir lui semblait incertain. Face à ses doutes et face à ses craintes, sans la moindre épaule sur laquelle s'appuyer, il estimait avoir d'ores et déjà profité de ses instants les plus heureux, et songeait avec douleur que ceux-ci s'étaient définitivement éteints, sans lui laisser l'ombre d'une ultime satisfaction. De fait, le pauvre vagabond se trouvait fatalement en proie à d'innombrables regrets et à d'autant plus de névroses. Il songeait ne pas avoir suffisamment profité des mois écoulés si vivement, si promptement. Cette torpeur qui naissait de tous ces sentiments néfastes si longuement accumulés, ce marasme émotionnel et psychique dans lequel il s'était embourbé se trouvaient donc temporairement estompés, gommés par un repos sombre et bien mérité... Mais finiraient tôt ou tard par resurgir, d'autant plus agressifs que son ventre lui hurlerait sa faim. C'était potentiellement pour cela que le pauvre homme s'était abandonné à fermer ses paupières aussi rapidement : parce qu'il avait eu l'infime espoir, a minima instinctif, que cela mettrait ultimement fin à tous ses supplices injustes. Toutefois, le Destin s'avéra à nouveau des plus farceurs et capricieux... Tant et si bien qu'il sentit progressivement ses paupières s'ouvrirent tandis qu'il revenait bien péniblement à lui, la luminosité ambiante lui arrachant une plainte des plus faibles et des plus maladives.

Il eut besoin d'un long instant pour parvenir enfin à discerner posément son environnement et à se remémorer difficilement des douleurs qui étaient les siennes. La forêt qui l'encadrait lui était bien entendu familière, mais la silhouette qui se dressait devant lui, relativement chétive et agréable, lui était en revanche parfaitement étrangère. Avec un brin d'hésitation, il la dévisagea quelques secondes durant, interdit, avant de grommeler avec défiance et incompréhension :

-V'z'êtes un ange ?

Exceptionnellement, Jean Jean fut personnellement en mesure de constater sa propre naïveté : il n'était pas mort, et il en eut la certitude inébranlable lorsqu'il sentit sa gorge s'écailler sous l'effet d'une déshydratation évidente. Sa bouche, plus sèche et pâteuse qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer, lui donnait l'impression d'avoir récemment avalé un bon quintal de sable... Péniblement, le rouquin leva une main à sa chevelure et tenta tant bien que mal de lui rendre un aspect plus présentable, y chassant la crasse maladroitement et lui rendant une couleur et un aspect légèrement moins terne qu'auparavant. Il demeura toutefois globalement béat devant cette apparition, qu'il ne savait définitivement pas expliquer. Cette jeune femme, telle qu'elle lui apparaissait, était indéniablement jolie. Atypique, indubitablement, mais atypiquement fabuleuse : sa chevelure blanchâtre et dépaysante évoquait au plus profond de l'âme du paysan un sentiment profond de sérénité, d'ataraxie. C'était la première fois qu'il ressentait une once de calme et de repos, là où sa fuite désespérée vers son lendemain s'était généralement traduite par un isolement dévorant... C'était la première fois qu'on s'adressait à lui avec gentillesse, depuis trop longtemps. S'il avait eu suffisamment d'eau pour ce faire, ses yeux en auraient probablement larmoyé, mais il n'en avait désormais plus le luxe : il se contenta par conséquent de balbutier quelques phrases faibles avant de les avorter, incapable de faire durablement du tri et de l'ordre dans son cerveau anéanti. Finalement, le jeune homme décida de se redresser légèrement, tant bien que mal, souhaitant apparaître sous un meilleur jour qu'ostensiblement avachi contre un tronc d'arbre, miteux et poussiéreux : il s'agissait peut-être de la dernière âme qui lui adressait la parole... Alors autant se rendre digne. Toujours égaré, et aux capacités cognitives indéniablement diminuées malgré leur niveau habituel déjà relativement bas, le pauvre hère renchérit dans l'incrédulité avec un hébétement presque touchant.

-Vous v'lez que'que chose ?

Car oui, Jean Jean ne parvenait pas à saisir la raison qui aurait pu pousser cette délicate demoiselle à s'intéresser à lui, crevard parmi tant d'autres, certes un peu plus jeune et à l'apparence potentiellement moins grotesque, mais néanmoins crasseux jusqu'à la moelle.
Comme d'habitude, Jean Jean ne comprenait rien.
Nao de SaintLouis
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[FB] Éreintante solitude, veille de quiétude. [PV Nao] EmptyMar 13 Juin - 13:50
  • Nao
  • Jean Jean
Veille de quiètude
Il avait l’air pitoyable. Pourtant, je ne ressentais ni pitié, ni dégoût à regarder ce jeune homme va-nu-pied aux cheveux hirsutes et sales et vêtu de simples haillons. J’avais grandi dans un environnement où l’on côtoyait la pauvreté à longueur de temps ; la paysannerie française souffrait des taxes et dépendait des clémences de Dieu pour les cultures. C’est parce qu’ils avaient eu de mauvaises récoltes que mes parents s’étaient retrouvé à contracter des dettes chez les De Saint Louis la première fois, jusqu’à devoir vendre leur fille aînée en échange — mais cela, je leur avait pardonné depuis longtemps cela, car rester fâché avec des morts n’apporte rien qu’amertume et regrets. Evidemment, je n’avais jamais expérimenté un niveau de misère tel que celui que vivait actuellement le vagabond devant moi. A l’époque de ma jeunesse, j’avais pu au moins me targuer d’avoir un toit, même troué, au-dessus de ma tête et au minimum un peu de soupe dans mon assiette tous les soirs. Et aujourd’hui, je vivais dans les appartements royaux ; non vraiment, jamais je ne pourrais me plaindre de mon niveau d’existence. C’était parfois même trop pour la paysanne que je demeure encore un peu en mon fort intérieur.

A l’entente de ma voix, il sembla émerger, ce qui fit mon soulagement. Pendant un instant, de loin, je l’avais cru réellement mort. Le jeune vagabond leva ses yeux méfiants vers moi et je laissais naître un léger sourire courtois sur mes lèvres en retour. Il me traversa brièvement l’esprit qu’il allait peut-être m’attaquer pour me voler ma bourse et mon panier ; mais même s’il osait tenter, j’étais bien plus forte que lui. Et il me semblait trop faible pour tenter quoique ce soit. De plus, je ne distinguais aucune agressivité ni envie mauvaise chez ce jeune homme. Cette impression fut renforcée quand il émit un premier son. Un ange, moi ? La question me prit de court, tant et si bien que j’eu un bref éclat de rire que je masquais bien vite derrière ma paume. S’il savait, ce pauvre enfant. J’en étais tout le contraire. Je n’avais ni la pureté ni la bonté des envoyés de Dieu, moi la créature enfantée du Diable, dont les crocs avaient déchiré maintes gorges par le passé.

J’ai bien peur que non, tu es encore bien parmi les vivants.” répondis-je d’un ton doux. “C’est d’ailleurs la première fois qu’on m’appelle ainsi.” Il me rappelait un peu mon petit maître, quand ce dernier était plus jeune et innocent. Ce vagabond avait le comportement d’un enfant, quel âge pouvait-il bien avoir ? Entre quinze et vingt ans peut-être, c’était encore un tout jeune homme. J’étais si vieille en comparaison, malgré mon apparence trompeuse restée figée à un âge éternellement inachevé. Je remarquais qu’il semblait avoir soif. Il semblait également en fort état de sous-nutrition, ce qui semblait évident s’il errait sur les routes depuis longtemps. Pauvre enfant. Il m’apostropha, un peu méfiant sans doute, se demandant probablement ce que je pouvais bien lui vouloir. Je lissais négligemment un pli sur ma robe. Moi-même, je n’en étais pas certaine. “Et bien, quand je t’ai vu là sur le bord de la route, je ne pouvais tout simplement pas te laisser tout seul, non ?

Mon raisonnement me semblait logique, mais je me rendis vite compte qu’il ne l’était pas forcément pour tout le monde. Un noble, à moins qu’il ne s’agisse de l’un de mes maîtres évidemment, ne se serait jamais stopper pour lui parler. Un domestique n’aurait probablement pas osé non plus s’il était en course, et certains des paysans avaient déjà assez de leurs propres soucis et voyaient trop de misère quotidienne pour s’alarmer au premier sans abri mourant. Mais non; je ne pouvais pas juste continuer ma route, sans trop savoir pourquoi vraiment. Une idée me vint en voyant ses lèvres desséchées. “Attends, ne bouge pas surtout je reviens vite ! Tiens, garde donc mon panier.

Je déposais mon chargement à ses pieds, me fichant bien qu’il en dévore le contenu ou qu’il s’enfuit avec, après tout, ne gardant que la cruche de terre cuite vide qu’il contenait. Je me mit à courir en arrière, retournant vers le village dont je venais, tenant les pans de ma robe entre mes doigts tandis que mes bottines claquaient sur le gravier. Même sous forme humaine, mon endurance demeurait celle d’une louve entraînée et je n’avais pas une goutte de sueur sur le front quand j’arrivais sur la petite place cachée à l’ombre de grands peupliers. Une fontaine glougloutait paisiblement en son centre et je plongeais la cruche en son sein pour la remplir. Je repartis ensuite tout aussi précipitamment vers le vagabond que j’avais laissé derrière moi, espérant qu’il était toujours là ; à mon soulagement, ce fut le cas. Je souris en lui tendant la cruche. “Tiens, bois. Tu as regardé dans le panier ? J’ai des miches de pain et des oeufs, si tu le veux. Le reste sont des légumes, crus ils ne sont pas très mangeable, mais s’ils te donnent envie je t’en pris”. Je soufflais, remettant mes cheveux en ordre, tout ébouriffés par ma course soudaine qu’ils étaient.
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[FB] Éreintante solitude, veille de quiétude. [PV Nao] EmptyMer 21 Juin - 19:53
Éreintante solitude...
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Sa voix sucrée était d'une douceur mirifique, d'une bonté inestimable et d'une bienveillance enchanteresse, tant et si bien qu'il imagina promptement n'avoir jamais rien entendu d'aussi beau. Sa situation désespérée et cette apparition inespérée y étaient sans aucun doute pour beaucoup, mais Jean Jean était pour l'heure parfaitement incapable de construire un quelconque raisonnement complexe et complet. Ce qui lui apparaissait clairement, en revanche, c'était l'instant présent, dans son éclatant espoir et sa promesse, certes fébrile, mais paradoxalement presque tangible d'un avenir moins désastreux et calamiteux que son passé immédiat. La gorge sèche, le rouquin demeura de marbre lorsque la demoiselle déclara en toute simplicité qu'elle ne pouvait pas se contenter de le laisser seul, dépérir sur le bord de ce chemin peu emprunté. D'un côté, le damoiseau crasseux n'était pas certain de pouvoir croire en de tels dires : il n'était a priori pas certain de les mériter, et ne s'attendait absolument pas à recevoir une traître once de gentillesse après les derniers jours endurés. De l'autre, il n'avait attendu que cela qu'il n'avait plus qu'une seule et unique envie : se raccrocher à la bonté de cette inconnue et croire fermement, aveuglement et stupidement qu'elle était, effectivement, simplement ici pour lui prêter main forte. Ces deux pensées contradictoires ne l'aidaient évidemment pas à se construire un raisonnement élaboré là où même en temps normal, ses capacités cognitives égalaient peu ou prou celles d'un arbre à peine adulte... Ajouté à cela son état de délabrement physique fournissait par ailleurs un tableau des moins flatteurs de ce jeune homme atypique. Il fut par conséquent plus ou moins contraint à l'immobilisme et au silence tandis que l'inconnue se levait dans la précipitation et s'écartait brusquement, lui demandant au passage de conserver son panier et de ne pas s'écarter. Pour le coup, le garnement eut presque l'envie de ricaner : pourquoi diable bougerait-il ? Il n'eut pas même la force de se redresser pour lorgner ce qui se trouvait dans ledit panier, désormais déposé à ses pieds : c'était un coup à se voir à nouveau déçu...

Son accablement ne fut néanmoins que de très courte durée : si l'instant qui s'écoula lui apparut comme étant une éternité, l'attente insupportable s'estompa bien vite lorsqu'il remarqua la jeune femme s'approcher de lui à nouveau, emportant dans son sillon une cruche dont les clapotis sacrosaints et miséricordieux éveillèrent toute son attention et ses ambitions les plus vaines. Lorsqu'il comprit que l'angélique silhouette venait de lui offrir une chance de survivre quelques jours de plus, il empoigna la cruche fermement et tenta de la vider le plus vite possible, épancha la cruelle sensation de soif qui lui dévorait les entrailles et la gorge depuis plusieurs jours désormais. Il manqua par ailleurs de s'étouffer à plusieurs reprises, dans sa précipitation, mais tira une telle satisfaction de cet empressement qu'il n'y mit fin qu'une fois le récipient totalement vide. Il avait d'une oreille distraite entendu la proposition de cette inconnue, qui lui permettait de surcroît de manger un peu de pain afin de gommer cette rage insatiable qui lui nouait les entrailles. Sa main avide s'approcha alors momentanément du panier mais il cessa son geste avant d'y parvenir totalement, soudainement en proie à un doute maladif. D'une voix tremblante et fébrile, le jeune adulte apparut alors comme un enfant apeuré, et il marmonna quelques paroles empreintes d'un doute indubitable.

-Mais... pourquoi v'm'aidez ? J'ai rien moué... Pô d'argent, rien.

Tout chez cette demoiselle lui semblait si beau et si pur qu'il avait du mal à croire qu'une telle personne existait. Si peu de gens lui accordaient une réelle importance durant sa vie de paysan, c'était un constat encore plus amer qui le dévorait depuis sa régression sociale au rang de miséreux notoire. Les gens ne le lorgnaient plus que pour l'insulter, effrayés à l'idée qu'il puisse tenté de leur substituer leurs bourses ou bien le fruit de leurs efforts. En tout cas lorsqu'ils ne se contentaient pas de l'ignorer tout bonnement, considérant qu'un tel gueux ne méritait pas même leur mépris... Une telle bonté désintéressée lui semblait donc relativement inconcevable, et il craignait bêtement qu'elle ne finisse par lui éclater la cruche sur le crâne en se rendant compte qu'elle avait fait preuve de mansuétude et ne pouvait espérer aucune contrepartie. Légèrement tremblant et toujours plus hésitant, le rouquin se ravisa donc, s'affalant toujours plus misérablement contre son tronc d'arbre sans rien manger, même si son ventre ne cessait de lui hurler l'ordre contraire. Même pour lui, pour qui les notions de fierté, d'honneur ou de dignité étaient plus qu'abstraites, mieux valait finalement cesser les frais : il n'avait plus vécu de joie depuis belle lurette et n'aurait manifestement plus jamais droite de goûter aux petits plaisirs de la vie. C'est relativement résigné qu'il lâcha donc à demis-mots une nouvelle phrase :

-Pis j'ai personne pour payer...
Nao de SaintLouis
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[FB] Éreintante solitude, veille de quiétude. [PV Nao] EmptySam 22 Juil - 21:51
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Je ne sais pourquoi je choisis de m’arrêter devant lui — était-ce parce qu’il était là, sur mon chemin ? Je croisais des mendiants et des affamés fréquemment entre les murs de la cité de Paris. Ce n’était pas la pauvreté qui manquait en France et je savais ne pouvoir les nourrir tous, ni leur donner une pièce à chaque fois. Alors quoi ? Peut-être parce que je sentais que, contrairement à d’ordinaire, je pouvais faire quelque chose de durable pour ce jeune homme; plutôt que simplement lui jeter une miche de pain. Peut-être aussi, parce que sous ses joues creuses je distinguais encore les traces de l’enfant qu’il n’avait pas fini d’être et que mon coeur a toujours été plus faible face à ces derniers. Peut-être enfin, parce qu’il me rappelait un peu mon propre frère cadet. Pas un jour ne passait sans que je n’ai une pensée, même fugace, pour Justin. J’avais dévié ma route en ce jour pour rendre visite à mes petits neveux et nièces, veillant sur les descendants de notre famille dans l’ombre. N’était-ce pas alors un hasard un peu trop bien fait que je m’arrête face à ce garçon que je cru mort le temps d’une seconde ? Quoiqu’il en soit, je ne pouvais plus le laisser désormais.

C’était pour ces raisons, et d’autres que je ne m'expliquait pas et qui tenaient davantage de l’instinct animal en moi, que j’étais partie chercher de quoi l’hydrater. Je fus soulagée à mon retour de voir qu’il n’était pas parti. Il aurait pu se sauver et emporter mon panier, mais non. Je m’accroupis en ramenant les pans de ma robe sous moi pour qu’ils ne fassent pas de plis disgracieux, tandis qu’il saisissait la cruche pour s’abreuver. Je souris de son empressement, me doutant qu’il était proche de la déshydratation. Il faisait peine à voir, mais j’étais certaine que sous cette crasse et ces côtes saillantes se cachaient un garçon plein de potentiel. Il avait déjà, semble-t-il du moins, la rage de vivre. Il en fallait bien un peu pour survivre si longtemps sans se sustenter.

Sa question ne me surprit pas, elle était même parfaitement légitime. En ces temps durs pour la paysannerie, on avait déjà trop de bouches à nourrir généralement pour se permettre d’aider les sans-abris. C’était manger ou être mangé après tout. “Sottise,” rétorquais-je “je ne te demande pas d’argent en échange voyons, je me doute bien que tu n’en as. Je n’ai pas un coeur de pierre.” j'aplatis un pan de robe négligemment de la main. Voyant qu’il ne faisait aucun geste pour se servir dans le panier, ce que je comprenais, je soulevais le tissu protégeant les victuailles moi-même pour en tirer une grosse miche de pain aux céréales.

Sa méfiance était normale ; je n’aurais également pas forcément eu confiance en une personne généreuse qui ne demande rien en retour. Pourtant, si personne ne se décide à tendre la main pour simplement le faire avec ceux dans le besoin, qui le fera? Aujourd’hui que j’avais un emploi, une vie plus que correcte que je ne méritais pas et que j’étais même au delà des soucis des mortels, je me rendais compte que je voulais et devais aider davantage. Peut-être était-ce là un caprice égoïste, une manière pour moi d’expier mes fautes passées et de compenser les vies prises…

Je relevais les yeux vers le garçon et lui souris doucement en lui tendant le pain dont je venais de déchirer un morceau. “J’ai longtemps eu à prendre soin de mes soeurs et mon frère par le passé, alors que nous n’avions pas tous les soirs de quoi manger. Je sais ce que c’est d’avoir faim. Tu étais sur mon chemin, peut-être car c’est ce que le Seigneur désirait, je ne pouvais pas te laisser mourir ainsi.

Je percevais son trouble, sa résignation. Son dernier aveu me serra le coeur — je connaissais cette douleur également. “Tu n’as donc plus de famille ? Quel âge as-tu, pour être ainsi laissé seul à errer sur les routes ?” Il était probablement ironique de ma part de parler de son jeune âge, alors que si j’avais la mentalité d’une vieille dame, je gardais des traits tout aussi juvéniles, figés à jamais par le poison des lycans.  
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